Comprendre le cycle menstruel pour optimiser la pratique sportive, le défi de l’étude Empow’her de l’INSEP

Empow’her est un projet de recherche mené par Alice Meignié et Juliana Antéro, chercheuses à l’INSEP. Cet accompagnement scientifique de la performance se concentre sur l’impact du cycle menstruel chez les sportives. Les 1ers résultats vont...

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Empow’her est un projet de recherche mené par Alice Meignié et Juliana Antéro, chercheuses à l’INSEP. Cet accompagnement scientifique de la performance se concentre sur l’impact du cycle menstruel chez les sportives. Les 1ers résultats vont leur permettre de donner des clés aux entraîneurs et aux athlètes pour optimiser leur entraînement.

Mené au sein de l’INSEP, l’étude Empow’her cherche à comprendre l’influence que peuvent avoir les différentes phases du cycle menstruel sur les performances, les règles sur la pratique sportive. L’analyse repose sur les données fournies quotidiennement sur une période de six mois par les 80 athlètes participantes (aviron, escrime, football, ski et cyclisme). Phases du cycle, symptômes, état de forme, émotions ou données d’entraînements sont analysés. Alice Meignié revient sur les résultats des 30 1ers suivis finalisés. Les conclusions pourront permettre d’individualiser les entraînements de chaque athlète.

Les Sportives : Où en est le suivi des athlètes ?

Alice Meignié : On suit 80 athlètes. Le but est d’établir le profil hormonal des athlètes en lien avec la charge d’entraînement. L’idée c’est de suivre au quotidien les paramètres d’entraînement, le bien-être, le sommeil et les émotions de l’athlète et comment ils varient en fonction du cycle menstruel. On a bouclé ce suivi de six mois pour environ une trentaine d’athlètes. Cela a permis de comprendre comment leur entraînement était impacté selon les différentes phases de cycle. Des profils différents apparaissent. Il y a des athlètes pour lesquelles il n’y a pas de variation en fonction du cycle. Au contraire pour d’autres certains paramètres ont varié selon les phases. Pour 80% d’entre elles, c’est dans la phase folliculaire, au moment de l’ovulation que les paramètres sont optimaux. Donc le corps est apte à faire une performance optimale à ce moment-là. Finalement, pour des sportives il y a des variations qui ne sont pas forcément liées au cycle menstruel.   

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Quels éléments peuvent expliquer ces différences entre les sportives suivies ? 

Notre suivi n’est pas uniquement basé sur des déclaratifs. Les athlètes indiquent quand elles ont leurs règles. Mais on fait aussi des prélèvements salivaires pour déterminer les variations hormonales. Il y a certaines filles pour qui il y a très peu de variations parce que leurs hormones en général ne varient pas. Ça reste une hypothèse car on retrouve aussi des athlètes avec très peu de variations hormonales mais qui finalement sont aussi impactées. Après il y a des athlètes pour lesquelles l’impact sur l’entraînement est dû aux symptômes, liés au cycle menstruel. Ces symptômes justement sont moins présents au moment de la phase folliculaire et la phase d’ovulation. Et certaines n’ont quasiment aucun symptômes. 

⏩ À lire aussi : Empow’her, l’étude de l’INSEP pour analyser l’impact des règles sur les performances sportives

Avant que vous les suiviez, les athlètes avaient-elles conscience des impacts de leur cycle menstruel sur leurs performances ?

Ce qui est intéressant c’est qu’on a fait un retour individuel aux athlètes, avant de le faire aux entraîneurs. On a eu de longues discussions avec elles pour leur demander si elles pensaient que leur cycle avait une influence. Certaines l’avaient déjà remarqué mais n’y faisaient pas vraiment attention avant notre suivi.  D’autres n’avaient pas du tout conscience de l’impact que le cycle pouvait avoir sur leurs performances. Elles ne pensaient pas avoir autant de symptômes par exemple. Pendant les 6 mois, elles ont noté tous leurs symptômes et se sont rendu compte qu’ils étaient importants. Pour certaines athlètes qui prenaient la pilule on a observé qu’elles avaient pas mal de symptômes alors que la pilule réduit les variations hormonales qui en sont à l’origine. Ce qui n’est pas normal. Alors, leur gynécologue a pu changer leur pilule.

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Comment les entraîneurs peuvent-ils utiliser vos résultats pour adapter leurs entraînements ?

Notre objectif est de déterminer la phase optimale de performance puis l’entraineur choisit ce que lui met en place. Les sports qu’on étudies sont pour la plupart collectifs. Alors l’adaptation peut se faire au niveau de la préparation physique des athlètes, quand il y a une possibilité d’individualisation. Nous sommes en discussion avec les préparateurs physiques et entraîneurs pour voir comment l’entraînement peut être individualisé. On leur montre la fenêtre optimale de performance. Ils choisissent très souvent de justement augmenter la charge d’entraînement à ce moment-là car l’athlète pourra un peu mieux encaisser les grosses charges d’entraînement ou mieux récupérer. On pourrait aussi imaginer qu’au contraire, comme les compétitions ont lieu à n’importe quelle phase du cycle et qu’il faut apprendre à s’adapter, que l’entraineur choisisse d’augmenter la charge d’entraînement dans une phase qui sera en théorie moins optimale. Cela peut préparer l’athlète pour des compétitions et des efforts qui se dérouleront à ce moment-là. La récupération pourra être adaptée. 

Est-ce qu’à l’inverse la pratique peut avoir des conséquences sur les règles, le cycle et ses phases ?

Oui et c’est sur ça que notre suivi est assez compliqué. On souhaiterait le quantifier parce qu’on sait déjà qu’une augmentation de la charge d’entraînement mal prise en compte peut notamment entraîner le syndrome de déficit énergétique de la sportive. C’est dû à une mauvaise balance entre les apports énergétiques et l’entraînement. Ça peut engendrer de nombreuses conséquences, dont la triade de l’athlète féminine : aménorrhées, fractures de fatigues et ostéoporose. Il y a aussi un pan cardiovasculaire et métabolique. En cas de déficit calorique, le métabolisme se met au repos. L’athlète va prendre du poids contrairement à ce qu’on pourrait attendre. Ce qu’on n’arrive pas à quantifier à l’heure actuelle c’est l’échelle. C’est à dire que si au mois de mai l’athlète augmente sa charge, on ne sait pas si ça aura un impact au mois de mai, juin ou même plus tard. On a déjà observé que dans le cas d’entraînements en hypoxie ou en altitude, les cycles sont totalement modifiés. Parfois à l’approche de certaines compétitions le stress peut avoir le même effet qu’une augmentation de la charge d’entraînement.

⏩ À lire aussi : Carole Maître, gynécologue à l’INSEP « La prise en compte des besoins des sportives en terme de seins a permis d’améliorer les modèles »

Durant le suivi, les sportives sont-elles plutôt contentes de participer ?

Dès le départ, on présente le suivi aux athlètes. Elles sont volontaires. Donc je suppose qu’elles attendent d’avoir des réponses à des questions qu’elles pouvaient se poser. Pour avoir échangé avec certaines elles sont plutôt contentes. C’est sûr que ça peut être long pendant six mois de remplir tous les matins l’application. Selon les sports, il y a d’autres informations plus ponctuelles à donner. Certaines se sont lassées ou étaient moins assidues au fil du temps. D’autres en revanche étaient très assidues. Une athlète a même continué à utiliser l’application pour son suivi personnel.

Est-ce que vous pensez qu’elles vont prendre en compte vos résultats et conseils ?

Le principe c’est que une fois qu’elles ont décidé avec leur entraîneur quelle stratégie elles allaient mettre en place, on les rencontre à nouveau pour voir comment s’est passée l’adaptation et si l’individualisation a fonctionné et a été bien vécue. Le souci est que cette année l’aviron (ndlr : 1ère discipline étudiée) a changé sa structure d’entraînement donc nous ne pouvons pas vraiment savoir si les changements sont dus à la modification de l’entraînement ou à l’adaptation au cycle de chacune. Pour le ski, nous sommes en discussion pour faire cette comparaison la saison prochaine.

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Comment va se dérouler votre travail dans les mois à venir ?

On essaye d’avoir un peu plus de moyens. Nous sommes une petite équipe. On manque de moyens pour analyser toutes les données. C’est ce qui nous empêche d’accueillir d’autres athlètes qui souhaiterait être suivies. Sinon on va poursuivre les analyses, on a encore le football à étudier. Nous avons également d’autres projets en parallèle. Notamment sur la gestion de la perception du poids chez les athlètes féminines, en collaboration avec Stéphanie Mériot à Nice et la Fédération Française d’athlétisme.

⏩ À lire aussi : Course à pied, quel regard la science porte-t-elle sur les différences entre les hommes et les femmes ?

Est-ce que les 1ers résultats vous ont amené à réfléchir à d’autres pistes de réflexion ?

Oui, on a beaucoup appris sur les 1ers suivis. L’aviron était un peu le crash-test mais c’était déjà assez bien ficelé. On pense à des pistes d’amélioration tout en essayant de ne pas changer totalement le suivi afin de pouvoir comparer entre les sports. Nous menons de plus en plus de collaborations, notamment autour de la question du métabolisme pour comprendre le phénomène de déficit énergétique. On le fait avec Martine Duclos, Laure Ness et Aurélie Zarko à Clermont-Ferrand.  Au sein de l’INSEP également pour comprendre les problématiques autour de l’impact de l’hypoxie et de l’altitude sur le cycle menstruel. On a plein d’idées, d’envie mais on manque de moyens pour tous les mettre en œuvre.

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De nouvelles fédérations se sont-elles approchées de vous en découvrant votre travail ?

Oui, beaucoup de fédérations et d’athlètes nous contactent parce qu’elles entendent causer de notre travail. Aussi parce que les athlètes françaises entendent des athlètes étrangères, qui ont individualisé leur entraînement par rapport à leur cycle, causer de leur expérience. On a une petite liste d’attente. Mais étudier un nouveau sport nécessite d’établir un nouveau suivi. Notre travail ne se limite pas à de l’analyse de données. Nos analyses reposent sur des modèles mathématiques complexes. Pour chaque sport, on établit une analyse et un modèle différent. Seulement deux personnes travaillent sur cet aspect. Pour l’instant on préfère, par manque de moyens, accepter des athlètes des cinq sports que l’on suit déjà mais à l’avenir on souhaiterait élargir notre panel.

Les informations sur l’étude Empow’her sont disponibles sur le site de l’INSEP.

Propos recueillis par Enora Quellec

L’article Comprendre le cycle menstruel pour optimiser la pratique sportive, le défi de l’étude Empow’her de l’INSEP via @ Les Sportives.