Mort de Jean-Louis Comolli, critique et documentariste

Personnalité inclassable, multiple à bien des égards, Jean-Louis Comolli, qui vient de disparaître des suites d’une longue maladie, a d’abord été une figure majeure de la critique de jazz et de cinéma. En compagnie de Jean Narboni, un ami cinéphile...

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Personnalité inclassable, multiple à bien des égards, Jean-Louis Comolli, qui vient de disparaître des suites d’une longue maladie, a d’abord été une figure majeure de la critique de jazz et de cinéma. En compagnie de Jean Narboni, un ami cinéphile qu’il a connu à Alger où ils ont grandi tous les deux, il occupe, à partir du milieu des années 1960, les fonctions de rédacteur en chef des Cahiers du Cinéma, tout en collaborant très activement au mensuel Jazz Magazine. Dans cette époque effervescente, il incarne la modernité du moment, tant en jazz – il est un des analystes les plus pertinents du free jazz, sur lequel il écrira, avec son ami Philippe Carles, un livre fondamental, Free Jazz Black Power – qu’en cinéma – son appétit pour les Nouveaux Cinémas, apparus dans le sillage de la Nouvelle Vague, est sans limite.

Après Mai 68, il infléchit, avec Jean Narboni, la ligne des Cahiers du Cinéma dans une direction très politique, d’abord proche du parti communiste, puis, à partir de 1971, franchement maoïste. En 1973, les Cahiers sont allés au bout du radicalisme politique et théorique. Exsangue, la revue manque de disparaître, mais elle est finalement reprise, après quelques mois de cessation de parution, par Serge Daney et Serge Toubiana. Jean-Louis Comolli, quant à lui, quitte les Cahiers et décide de devenir cinéaste.

En réalité, en 1968, Comolli a déjà réalisé un passionnant documentaire, en collaboration avec André S. Labarthe, Les Deux Marseillaises, qui suit la campagne des législatives à Asnières, où s’affrontent notamment Albin Chalandon et Roger Hanin. En 1975, il passe à la fiction, avec La Cécilia, dans lequel il met en scène, avec une grande finesse, une communauté anarchiste au Brésil. Ensuite, il y aura le passionnant L’Ombre Rouge (1981), autre film historique et politique antistalinien, dont l’action se situe pendant la guerre d’Espagne, avec Jacques Dutronc, Claude Brasseur et Nathalie Baye. Et puis encore, Balles perdues, comédie policière un peu ratée avec Andréa Ferréol et Maria Schneider, dont l’échec commercial pousse Jean-Louis Comolli à poursuivre sa carrière de cinéaste dans le documentaire politique.

Dès lors, Comolli va construire une œuvre documentaire assez abondante, tout en poursuivant une réflexion théorique et politique sur le cinéma et le monde, au travers de plusieurs ouvrages passionnants, publiés, pour la plupart, dans les années 2010, aux éditions Verdier, en particulier Cinéma contre spectacle (2009), Voir et pouvoir (2014), ou encore, le magistral Daech, le cinéma et la mort, dans lequel il analyse, en profondeur, les vidéos de propagande postées par l’organisation terroriste islamiste. Son travail de documentariste est dominé par la série de films qu’il réalise, avec le journaliste Michel Samson, autour de différentes campagnes électorales à Marseille. Au total, c’est un corpus de treize films qui documentent, avec une précision extrême, la complexe situation politique marseillaise et son évolution au fil des années, et constitue une série unique en son genre.

Si ses films et ses écrits pouvaient paraître parfois austères, la personnalité de Jean-Louis Comolli était généreuse et solaire, empreinte d’une curiosité gourmande, d’autant plus que la cuisine et la gastronomie, auxquelles il a également consacré des documentaires, faisaient partie de ses passions les plus sensibles. D’une intelligence acérée, il laisse la trace d’une figure transversale et complexe qui reste, à bien des égards, à (re)découvrir.