Dans "La Retenue", cette autrice compare l'inceste à "un crime contre l'humanité"

INCESTE - Il a fallu trente ans à Corinne Grandemange pour témoigner de l’horreur de l’inceste qu’elle a subi enfant. Son livre sort ce jeudi 11 mars,  un récit d’abord cru, difficilement soutenable, qui parle aussi de renaissance.“La Retenue”...

Dans "La Retenue", cette autrice compare l'inceste à "un crime contre l'humanité"

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INCESTE - Il a fallu trente ans à Corinne Grandemange pour témoigner de l’horreur de l’inceste qu’elle a subi enfant. Son livre sort ce jeudi 11 mars,  un récit d’abord cru, difficilement soutenable, qui parle aussi de renaissance.

“La Retenue” est le premier livre de cette autrice, refusé, lit-on, par deux éditeurs qui avaient travaillé en vue de sa publication, puis finalement publié par les éditions Des femmes. Il sort deux mois après “La Familia grande” de Camille Kouchner, qui a provoqué une libération de la parole en accusant de viols sur son frère jumeau le politiste Olivier Duhamel.

Corinne Grandemange donne peu de détails sur sa vie aujourd’hui. L’un d’entre eux: son grand-père était un écrivain célèbre aujourd’hui décédé, à qui elle reproche d’être resté aveugle aux crimes commis par son fils sur une nièce. “Tu n’as rien vu, rien entendu. Trente années de silence où personne ne t’a rien dit”, écrit-elle.

“Un vocabulaire précis” 

La maison d’édition a apposé un bandeau qui prévient du contenu: “Inceste: l’omerta”. Comme dans d’autres livres avant celui-là, cette loi du silence est racontée en détail. Cela vient après, toutefois, une description hyperréaliste des viols subis par la narratrice de ses 7 à 14 ans.

“Il est frappant que le texte commence directement par une scène de violence, dont toute la suite sera surtout une mise en contexte, une tentative d’analyse, voire d’explication, et le récit de ses conséquences. Certaines tragédies sont ainsi construites: le malheur est au départ”, dit à l’AFP Michel Briand, professeur de littérature à l’université de Poitiers. Il voit dans “La Retenue” une œuvre “très forte, dans un style clair et d’autant plus intense”.

“Corinne Grandemange va loin, avec un vocabulaire précis, un vocabulaire adapté. Ce qui nous choque, c’est peut-être l’emploi de ces mots sans périphrase ni métaphore, pour imposer au lecteur la violence du mot brut, et celle de l’acte”, commente également Lucie Nizard, agrégée de lettres qui a travaillé sur le viol en littérature.

 “La réalité des gestes” 

Anne-Claude Ambroise-Rendu, historienne qui s’est intéressée aux crimes sexuels, note que ce n’est pas le premier récit aussi clinique. Et même, “Christine Angot a été beaucoup plus directe que cela” dans son roman “Une semaine de vacances” en 2012, rappelle-t-elle.

D’autres récits autobiographiques de victimes d’inceste en France ont pu choquer leurs lecteurs: “J’avais douze ans” de Nathalie Schweighoffer en 1990, “Mon enfance assassinée” de Patricia Pattyn en 1995, “Il a trahi mon enfance” d’une “Stéphanie” restée anonyme la même année, “J’étais sa petite princesse” d’une “Nelly” également anonyme en 1997... Pour autant tous “semblent avoir été vite oubliés”, relève l’historienne.

“Une chose affirmée par Christine Angot, et qui me semble évidente, est que dire avoir été abusée ou même violée ne suffit pas pour que l’interlocuteur ou le lecteur se représente la chose dans sa réalité et sa violence. Il faut donc payer le prix du récit, détaillé, cru, concret pour mettre la réalité des gestes sous les yeux du lecteur”, estime cette professeure de l’université de Versailles Saint-Quentin.

Des mots “durs et crus”

L’autrice le sait. “J’emploie des mots durs et crus dans ce récit. Un inceste c’est un viol. (...) Un viol commis par un ascendant sur un plus fragile”, insiste-t-elle, interrogée par l’AFP. “Dans le droit international, le viol est un crime contre l’humanité. Donc l’inceste est un crime contre l’humanité, et un crime de masse”, d’après elle.

Mais “La Retenue”, aussi dur qu’il soit, offre des raisons d’espérer. Selon Lucie Nizard, “comme Camille Kouchner, comme Vanessa Springora, on a l’impression que pour exister en tant qu’autrice, Corinne Grandemange a eu besoin de se confronter avec cette expérience, de reprendre la parole qui lui était déniée. Et ce travail littéraire, travail du style, des sonorités, donne à ces livres, les premiers qu’elles publient, une dimension très émouvante”.

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