Doses de vaccin Pfizer: pourquoi Véran refuse d'étendre le délai entre deux injections

SCIENCE - “Je note l’absence de consensus scientifique et remercie les uns et les autres, mais en politique il faut choisir.” Olivier Véran a refusé ce mardi 26 janvier d’espacer le délai entre l’administration des deux doses du vaccin Pfizer/Biontech...

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Le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé, lors d'une conférence de presse le mardi 26 janvier, que la France ne va pas changer le délai entre les deux doses du vaccin Pfizer-Biontech.

SCIENCE - “Je note l’absence de consensus scientifique et remercie les uns et les autres, mais en politique il faut choisir.” Olivier Véran a refusé ce mardi 26 janvier d’espacer le délai entre l’administration des deux doses du vaccin Pfizer/Biontech contre le coronavirus.

Une fin de non-recevoir qui intervient alors que la Haute autorité de santé (HAS) avait rendu, le 23 janvier, un avis préconisant de reporter la deuxième injection à six semaines, contre quatre actuellement. Le ministre de la Santé a remercié les experts tout en notant que leur avis ne faisait pas l’unanimité et que cette proposition n’est “pas dénuée de tout risque”.

Face au regain de l’épidémie de Covid-19 et à la crainte d’une accélération, en partie causée par le variant britannique plus contagieux, l’idée d’espacer le délai pour vacciner au moins une première fois un plus grand nombre de personnes fait son chemin depuis quelques semaines. “Ce serait la seule façon d’accélérer la primo-vaccination,” a concédé le professeur Alain Fisher, qui coordonne la campagne vaccinale.

Seule accélération possible

Car au vu du calendrier actuel, il y aura moins de nouvelles personnes vaccinées en février qu’en janvier. La plupart des doses et rendez-vous seront utilisés pour réaliser cette seconde injection, nécessaire pour s’assurer d’une protection suffisante contre le coronavirus.

La HAS précise que, selon les modélisations de l’Institut Pasteur, allonger le délai à six semaines permettrait de vacciner “au moins 700.000 personnes supplémentaires le premier mois”. En parallèle, on sait que si deux doses sont nécessaires pour asseoir l’immunité procurée par le vaccin, celle-ci débute dès la première dose.

C’est notamment pour ces raisons que la HAS, tout comme l’Agence nationale de sécurité du médicament, dans un avis du 7 janvier, estimait possible d’étendre le délai à six semaines, le maximum testé dans l’essai clinique du vaccin Pfizer/Biontech.

Mais un tel choix fait débat. D’ailleurs, l’Académie de médecine avait, le 11 janvier, recommandé à l’inverse de ne rien changer au calendrier. Décaler la seconde dose pose de nombreuses questions. D’abord, a précisé Alain Fisher, l’avantage de la rapidité est de courte durée: “si on poursuit l’analyse dans le temps, quelques semaines plus tard, soit vers début avril, le nombre de personnes vaccinées serait le même”. Logique: les personnes qui n’ont pas eu leur dose au bout de 4 semaines doivent bien finir par la recevoir.

Efficacité en débat

Surtout, un tel espacement pose de nombreuses questions. “Nous n’avons aucune information disponible sur l’efficacité dans la durée d’une première dose”, a précisé Alain Fisher. Et de rappeler qu’en Israël, pays où la vaccination va le plus vite proportionnellement à sa population, “de récentes données montrent que chez les plus de 60 ans, la protection contre la maladie dans la période n’est que de 33%, ce qui est une déception d’une certaine façon, car elle était de 50% dans l’essai clinique de Pfizer”.

Mais pour Jean-Daniel Lelièvre, expert à la HAS interrogé par Le HuffPost, “il faut se méfier des données israéliennes, qui ne sont pas des données scientifiques, mais de simples statistiques rapportées”. Il n’est notamment pas d’accord avec les pourcentages cités par Alain Fisher.

Car l’immunité après la première dose, dans les essais cliniques, démarre 12 jours après la première injection. “Les premiers articles évoquant les cas israéliens regardent le nombre de personnes vaccinées et pourtant infectées. Mais si on se met à distance de la première dose, si on regarde après ces 12 jours, les chiffres changent”, affirme-t-il, en rappelant qu’il n’y a aucune donnée scientifique claire sur la question.

Risque face aux variants

Pour statuer, le gouvernement a également pris en compte d’autres risques posés par cet espacement, notamment le fait que si l’essai clinique de Pfizer/Biontech a testé l’efficacité et la sûreté du vaccin avec un espacement de six semaines, peu de personnes ont en réalité été vaccinées avec un tel délai. Ce qui fait craindre un biais statistique, a expliqué Alain Fisher.

En espaçant les doses, il y a un risque que la réponse immunitaire soit moins forte que prévu. Cela est loin d’être certain, mais pas négligeable, a précisé le professeur. Cumulé avec le fait que certains variants, notamment le Sud-Africain, puissent être moins sensibles aux anticorps, cela pose question. “85% des personnes vaccinées sont âgées ou malades, avec un système immunitaire qui n’est pas optimal. N’y a-t-il pas un risque d’une réponse sous-optimale des vaccins en cas d’espacement, qui pourrait faire diminuer la protection face aux nouveaux variants?”, interroge Alain Fisher.

Pour Jean-Daniel Lelièvre, s’il reste des incertitudes, “elles étaient à notre sens moins importantes que le fait de pouvoir, à une époque où on attend fébrilement une nouvelle poussée épidémique, essayer de protéger un maximum de gens”. Tout en précisant que l’avis de la HAS n’était qu’une déclaration scientifique: “on a donné au gouvernement l’ensemble des données pour réfléchir”. Le gouvernement a réfléchi et a choisi la sécurité. L’avenir nous dira s’il a eu raison.

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