“Irradiés” de Rithy Panh : un film élégiaque et déchirant

C’est un poème, une litanie, une psalmodie, un tombeau. Âmes sensibles, s’abstenir. Certaines images sont insoutenables et pourtant il faudrait pouvoir les supporter pour voir le Mal en face et soutenir le regard des mort·es, des torturé·es,...

“Irradiés” de Rithy Panh : un film élégiaque et déchirant

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C’est un poème, une litanie, une psalmodie, un tombeau.

Âmes sensibles, s’abstenir. Certaines images sont insoutenables et pourtant il faudrait pouvoir les supporter pour voir le Mal en face et soutenir le regard des mort·es, des torturé·es, des affaibli·es, des mourant·es, des blessé·es qu’on y voit. Rithy Panh, comme chacun le sait désormais, est un rescapé du génocide commis par la Khmers rouges sur leurs compatriotes cambodgiens : deux millions de personnes ont été tuées en quatre ans, soit un quart de la population du pays.

Rithy Panh dit qu’il est devenu cinéaste dans le seul but de témoigner de cette tragédie. Irradiés est né de ses cauchemars récurrents. Irradié, c’est lui qui l’est, comme poursuivi sans relâche, et sans doute jusqu’à sa mort par l’horreur, le Mal qui le rattrape sans cesse, comme un fluide invisible, et qu’il tente en vain de fuir.

L’image est souvent divisée en trois parties contigües, comme dans un triptyque de la Renaissance. Deux acteur·trices, André Wilms et Rebecca Marder, lisent des textes, l’un principal, écrit par Panh, Agnès Sénémaud et Christophe Bataille, d’autres étant des citations d’œuvre de Saint Jean l’Évangéliste ou de témoignages de la Shoah, par exemple.

Souvenirs de massacres

Sur le même schéma que le son, il y a un récit composé d’images d’archives. Et puis des interventions d’acteur·trices du théâtre Butô. Le thème principal du film est Hiroshima. Mais viennent s’y agréger également des images de la Première Guerre mondiale, des camps d’extermination des Juifs au moment de leur libération, bien sûr, des femmes tondues, des cadavres jetés dans des fosses communes par des Kapos en bottes de cuir forcés d’accomplir cette tâche, des déporté·es nu·es et décharné·es – semblables aux hommes qui marchent de Giacometti – dont on se demande comment ils tiennent debout, des archives de la guerre du Vietnam, du génocide cambodgien, etc.

Le regard des mort·es semble parfois plus vivant que celui des survivant·es ou de celles et ceux qui vont bientôt mourir. C’est un travail de montage extraordinaire au sens propre, et pour être honnête très éprouvant pour le ou la spectateur·trice. On a beau, la plupart du temps, avoir déjà vu bon nombre de ces images, leur accumulation est totalement ravageur pour la psyché du spectateur·trice. Qui, lui ou elle aussi, finit par ressentir ce que signifie revivre le passé en boucle, revoir surgir ces images dans son cerveau, les horreurs dont l’humain est capable, que lui-même sans doute serait capable d’accomplir, dans certaines circonstances. Et ne plus pouvoir en dormir.

Ce film très fort a remporté le prix du meilleur documentaire à Berlin en 2020, il sort en salle le 26 janvier.