Jean-Pierre Bacri est décédé 

Il disait toujours que L'homme sans qualités était son livre de chevet. Sans doute Jean-Pierre Bacri se reconnaissait-il, à tort ou à raison, dans le personnage créé par Robert Musil, ou aurait-il souhaité l'être, cet intellectuel qui tombe...

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Il disait toujours que L'homme sans qualités était son livre de chevet. Sans doute Jean-Pierre Bacri se reconnaissait-il, à tort ou à raison, dans le personnage créé par Robert Musil, ou aurait-il souhaité l'être, cet intellectuel qui tombe dans la passivité, la tiédeur, presque l'indifférence, quand il se rend compte qu'il ne trouvera jamais un sens à la vie.

Pourtant Jean-Pierre Bacri ne donnait pas cette image. Car celle qu'il laisse, à travers ses personnages (ceux qu'il a écrits et/ou ceux qu'il a interprétés), est certes celle d'un homme un peu revenu de tout, désespéré et fataliste, jusqu'à en faire un spectacle pour les autres, mais qui, quand même, ne pouvait pas s'empêcher de râler, de monter le ton pour se révolter contre le destin et l'injustice de la société, et dire ce qu'il pensait. L'homme était nettement de gauche, ce qui n'est pas si courant de nos jours chez les acteurs. En bref, il ne pouvait trouver la quiétude du "héros" de Musil. Ainsi identifia-t-on un peu rapidement Bacri l'homme et Bacri l'acteur : un misanthrope.

Un dramaturge de qualité

Né en Algérie, ce fils de facteur était pourtant devenu, à la force du poignet, donc loin de tout oblomovisme ou de distance avec les autres, un type qui connaissait son métier de comédien (j'ai entendu plusieurs acteurs, qui avaient joué avec lui dans Les Femmes savantes - où il triompha dans le rôle de Chrysale, sous la direction de Catherine Hiegel - souligner combien il se montrait bienveillant, attentif, leur donnant du courage, avec ses confrères et consœurs), et un dramaturge de qualité, notamment avec Agnès Jaoui, bien sûr.

Ce ronchon accomplit l'exploit d'être populaire. Il fut couvert de prix de toutes sortes : au théâtre, Molière 1992 de l'auteur (avec Agnès Jaoui) pour Cuisine et Dépendances, et Molière du comédien dans un spectacle de théâtre privé en 2017 pour son rôle dans Les Femmes savantes.

Au cinéma, il fut souvent nommé et reçut des flopées de César, dont quatre fois celui du scénario, toujours avec Agnès Jaoui.

>> A lire aussi : Comment Jean-Pierre Bacri a cultivé son image d'éternel grincheux

Un acteur de premiers et seconds rôles

Sa carrière avait démarré par de nombreux seconds rôles chez Diane Kurys, Claude Lelouch, Claude Pinoteau, Luc Besson, Jean-Michel Ribes, Jean-Charles Tacchella, Tony Gatlif, Jean-Pierre Mocky, Pierre Tchernia, Jean-Marie Poiré, Yves Boisset, Yves Robert et Alexandre Arcady (c'est son interprétation dans Le Grand Pardon, en 1981, qui le fait découvrir - il a déjà 30 ans).

Ses rôles s'étoffent, même dans des films qui n'ont rien de chefs-d’œuvre, comme Mort un dimanche de pluie, puis L'Eté en pente douce de Gérard Krawczyk, en 1987. Il rencontre Agnès Jaoui en 1988.

En 1993, Cuisine et Dépendances, la pièce de ceux qu'on va bientôt appeler les Jaoui-Bacri, triomphe au théâtre.

Au cinéma avec Alain Resnais

Le duo d'auteur·rices est très vite repéré par Alain Resnais qui leur confie l'adaptation très créative (des scènes ont été ajoutées) de la pièce d'Alan Ayckbourn Intimate Exchanges. Rebaptisé Smoking/No smoking, le film obtient un César. Cette rencontre avec Resnais va aboutir au scénario original d'On connaît la chanson, qui leur vaut un troisième César du scénario mais aussi le César du meilleur second rôle masculin pour Bacri. Resnais, l'un des plus grands cinéastes français, leur donne aussi, c'est évident, une légitimité intellectuelle.

Entre les deux Resnais, Bacri joue aussi dans Un air de famille, l'adaptation par Cédric Klapisch de la pièce du même nom : deuxième César du scénario. Les Bacri-Jaoui sont au sommet de leur carrière, et toujours aussi populaires.

Car Bacri joue dans une comédie encore très regardée, Didier, avec Alain Chabat. On le voit aussi chez Nicole Garcia avec Catherine Deneuve dans Place Vendôme et plus tard dans Selon Charlie

En 2000, avec Le Goût des autres, Bacri et Jaoui (qui a réalisé le film) remporte leur quatrième César du scénario. Il est justement question de légitimité intellectuelle dans Le Goût des autres, qui semble librement inspiré de la Distinction de Pierre Bourdieu.

Bacri acteur, dans les années 2000 et 2010, multiplie les rôles, notamment dans Les Sentiments de Noémie Lvosky, en 2003 :

Ou dans un très joli film, un peu oublié mais très bien accueilli par la critique, Adieu Gary de Nassim Amaouche.

Il est remarquable également dans deux films de Pascal Bonitzer (Cherchez Hortense et Tout de suite maintenant), où l'on peut constater qu'il est capable, contrairement à sa réputation, de jouer dans des registres différents.

Il évolue ensuite dans des films plus grand public comme Le Sens de la fête de Nakache et Toledano, et Place Publique, le dernier film à ce jour d'Agnès Jaoui, en 2018.

>> A lire aussi : "Cherchez Hortense": Bacri admirablement sympathique