Que vaut le nouveau montage du “Parrain 3” ?

Des trois Parrain, le dernier est, de loin, le plus mal aimé. Est-ce pour cette raison que son géniteur, Francis Coppola, a décidé de retravailler sur le montage de ce vilain petit canard ? C’est probable mais, on a surtout l’impression que,...

Que vaut le nouveau montage du “Parrain 3” ?

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

Des trois Parrain, le dernier est, de loin, le plus mal aimé. Est-ce pour cette raison que son géniteur, Francis Coppola, a décidé de retravailler sur le montage de ce vilain petit canard ? C’est probable mais, on a surtout l’impression que, devant l’impossibilité de tourner un nouvel opus, Coppola n’a d’autres solutions, pour rester vivant, que de revenir sur ses films anciens afin de les remodeler encore et encore. Pour autant, le remontage du Parrain 3 est très loin du travail accompli sur les différentes versions d’Apocalypse Now qui modifiait substantiellement (surtout la deuxième version, nommée Redux) le film initial et, par extension, la perception qu’on en avait.

Ici, l’opération est plutôt chirurgicale et les changements les plus marquants concernent essentiellement l’ouverture et l’épilogue. L’ouverture, plus directe en l’occurrence, fait l’économie d’une scène de cérémonie religieuse qui alourdissait l’entrée en matière. Quant à la fin, sans trop en révéler la teneur, on dira qu’elle est plus ouverte et, à sa façon, plus cruelle. Dans le reste du film, Coppola a probablement fait pas mal de modifications, petite coupe ici, changement de musique là, changement de plan ailleurs, mais, honnêtement, sauf à étudier au microscope les variations entre les deux versions, il est très difficile de percevoir une nette différence entre l’ancienne et la nouvelle. Pour aller vite, on dira que le film y gagne sans doute en sécheresse, comme si Coppola avait surtout cherché à enlever le gras.

>> A lire aussi : Netflix, HBO Max, Disney+... Comment la VOD va être chamboulée en France

Crépusculaire et bouleversant

La vertu principale de ce nouveau montage du Parrain 3 est surtout de nous faire redécouvrir un film majeur, et non pas un ersatz, comme certains l’ont cru et continuent à le croire. En 1991, lorsque la première version du Parrain 3 est sortie, les deux premiers volets étaient sans doute encore trop proches. Ils avaient tendance à écraser de leur superbe ce film terminal. Aujourd’hui, on comprend mieux à quel point les trois films sont différents et finalement complémentaires. Le premier Parrain est assurément le plus spectaculaire et le plus classique. Le deuxième est le plus réflexif, le plus moderne. Et le troisième s’impose finalement comme le plus crépusculaire et le plus bouleversant. Avec le recul, on voit mieux à quel point cet ultime Parrain est, pour Coppola, un véritable adieu à Hollywood. Un adieu intime, centré sur les doutes et les regrets de Michaël Corleone et son impossible désir de rédemption. Un Michael Corleone dont l’ambition avouée est de laisser derrière lui la Mafia et ses pompes. Comme Coppola, dont on sait à quel point il a fait chacun des trois Parrain contre son désir (pour le premier et le troisième c’était surtout pour payer ses dettes de producteur…), et qu'il n’a eu de cesse de vouloir s’extraire de la machine hollywoodienne. Que deux des personnages centraux du Parrain 3 soient incarnés par Talia Shire, la sœur de Coppola, et Sofia Coppola, sa fille, qui avait remplacé au pied levé Wynona Rider, renforce cette dimension autobiographique et transforme ce spectacle majestueux en une sorte de home movie familial. Sans oublier la résonance morbide avec la mort de Gio, le fils de Coppola, disparu à 22 ans… 

Il est également passionnant de redécouvrir ce Parrain 3 aujourd’hui, après avoir vu l’an dernier deux films qui avaient littéralement pour but d’achever le film de mafia, The Irishman de Scorsese et Le Traître de Bellocchio. Dans l’un comme dans l’autre, sur un mode radicalement  opposé, on sentait le désir d’en finir avec la mythologie qui entoure la Camorra, mythologie largement forgée par le premier Parrain. Pourtant, la Mafia n’a jamais vraiment intéressé Coppola, si ce n’est comme métaphore de la famille ou d’Hollywood justement. Ici, davantage que dans les deux premiers volets, la Mafia est surtout un décor qui permet à Coppola de faire un bout de chemin vers un cinéaste qu’il admire énormément, Luchino Visconti.

Au fond, Le Parrain 3 est pratiquement un remake du Guépard – Michael Corleone et le Prince Salina, même combat. Ce désir viscontien est de plus en plus visible à mesure que le film avance. Et, comme dans Le Guépard, la dernière heure du Parrain 3 est la plus belle. Comme par hasard, elle prend la forme d’un retour aux sources fantasmé en Sicile, d’une méditation sur le temps et d’une revisitation très émouvante de la relation complexe et abîmée entre Michael (Al Pacino) et Kay (Diane Keaton). Jusqu’au final opératique, placé sous le haut patronage de Cavalleria Rusticana, qui achève de nous convaincre que ce Parrain 3, paré de ses nouveaux atours, est finalement un grand Coppola.

Le Parrain Epilogue - La Mort de Michael Corleone, Paramount Pictures

>> A lire aussi : “Songbird” : pire que le confinement, un film sur le confinement