Variant anglais: l'improbable jeu de pistes des labos français pour traquer les mutations

SCIENCE - “Nous saurons combien de cas de variant anglais sont présents sur le territoire”. C’est ce qu’a affirmé Olivier Véran jeudi 7 janvier, manière de répondre à l’incertitude actuelle autour de l’évolution du Covid-19 en France.Alors...

Variant anglais: l'improbable jeu de pistes des labos français pour traquer les mutations

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

Le ministre de la Santé Olivier Véran (ici dans un centre de dépistage) a annoncé une vaste opération pour cartographier la présence du variant anglais en France.

SCIENCE - “Nous saurons combien de cas de variant anglais sont présents sur le territoire”. C’est ce qu’a affirmé Olivier Véran jeudi 7 janvier, manière de répondre à l’incertitude actuelle autour de l’évolution du Covid-19 en France.

Alors que les fêtes de fin d’année et les dépistages massifs ont faussé les indicateurs de suivis de l’épidémie, l’émergence d’une nouvelle souche de coronavirus possiblement plus contagieuse au Royaume-Uni fait craindre une troisième vague amplifiée, similaire à ce qu’il se passe outre-Manche depuis quelques semaines.

Le problème, c’est que sur ce point aussi, le gouvernement est dans le flou. Si les Britanniques ont réussi à détecter ce nouveau variant, c’est en raison d’une très forte capacité de séquençage génétique, 50 à 100 fois supérieure à ce qui se fait dans l’Hexagone. Certes, une vingtaine de cas de variant britannique ont été identifiés en France, mais nous séquençons si peu de génomes qu’il est impossible de savoir à quel point la souche est plus présente en réalité.

Pour pallier ce retard, la France a mis au point une stratégie en deux temps, basée sur une découverte française récente et fortuite. Si tout se passe comme prévu, le gouvernement espère connaître rapidement la proportion du variant britannique parmi tous les cas confirmés de Covid-19 ces dernières 48 heures. Mais en interrogeant les acteurs de cette gigantesque opération, on se rend compte du défi logistique pour réussir cette cartographie exhaustive.

Goulot d’étranglement

Pour savoir exactement à quelle souche du Sars-Cov2 on a affaire, il faut séquencer le génome du virus. Or, les capacités françaises ne permettent clairement pas d’analyser tous les échantillons positifs. Du 1er septembre au 27 décembre, la France a séquencé moins de 0,1% des cas positifs détectés, rapporte l’ECDC.

Depuis fin décembre et l’alerte donnée sur le variant anglais, on analyse les tests PCR des personnes positives et ayant voyagé au Royaume-Uni ou en contact avec quelqu’un revenant d’outre-Manche. Ce qui est bien, mais loin d’être suffisant. Le gouvernement a donc misé sur une autre stratégie. Pour comprendre, il faut se rendre à Lyon et remonter un peu le temps. Depuis quelques mois, les équipes des Hospices Civils de Lyon (HCL) ont repéré une étrangeté. Certains tests PCR sont positifs... mais pas entièrement.

“Comme le Sars-Cov2 mute régulièrement, les tests PCR doivent avoir 2 ou 3 sondes qui ciblent une zone différente du génome du virus”, explique au HuffPost Laurence Josset, chercheuse à l’HCL. Or, certains tests PCR sont parfois positifs pour deux cibles, mais pas pour une troisième, appelée cible “S”. Après analyse du génome, les équipes de l’HCL se rendent compte que cette étrangeté est due à une mutation bien particulière du coronavirus, appelée “deletion 69-70”.

Cette mutation semble apparaître de manière aléatoire. On l’a par exemple vu dans les élevages de visons néerlandais contaminés par un variant du virus. Une découverte intéressante, mais pas révolutionnaire. Les choses changent mi-décembre, quand les chercheurs britanniques dévoilent le génome du variant B.1.1.7, qui semble plus contaminant. La fameuse “deletion 69-70” est justement présente.

Trouver le signal dans le bruit

“On a tout de suite demandé aux laboratoires en France d’être attentifs à des tests PCR positifs, mais avec une cible S négative”, raconte Laurence Josset. Elle met en ligne dans la foulée, le 24 décembre, un article explicitant cette découverte.

Le 31 décembre, Santé publique France prend le relais en publiant une note proposant “une conduite à tenir pour la détection et la prise en charge des cas de COVID-19 infectés par le variant”. L’idée est simple: si un test PCR est positif, mais négatif sur la cible S, il faut alors immédiatement envoyer l’échantillon à un laboratoire spécialisé pour séquencer le génome et vérifier si l’on a affaire au variant anglais.

En analysant en priorité les personnes ayant un lien avec le Royaume-Uni et ces fameuses PCR “S négatif”, Santé publique France a pu détecter 19 cas du variant anglais. Mais, l’agence le précisait dès le 31 décembre, “ce système de surveillance ne peut prétendre à l’exhaustivité”. En effet, tous les tests PCR ne permettent pas de faire cette distinction. Seul celui produit par la société Thermofisher donne ce “profil S négatif”. Et le problème, c’est qu’il “représente moins de 10% des tests actuellement réalisés en France”, selon SPF.

Double PCR

Pour accélérer la cadence, Olivier Véran a donc annoncé une opération spéciale. “Ce jeudi 7 janvier et demain, tous les tests PCR douteux seront séquencés”, a précisé le ministre de la Santé. Mais cela ne s’arrête pas là: “Si le test a été fait sur une PCR qui ne permet pas de dépister le variant, il est refait sur une technique capable de le dépister”.

En clair, chaque cas positif détecté jeudi et vendredi va être analysé par un test PCR permettant de détecter la mutation 69-70. “Cette enquête nationale implique des dizaines de laboratoires et nous espérons avoir à court terme une cartographie du variant en France”, a précisé vendredi 8 janvier le docteur Bruno Coignard de Santé publique France.

Laurence Josset précise que le laboratoire dans lequel elle travaille “va avoir beaucoup de prélèvements à réaliser dans les jours à venir afin d’être exhaustif”. Mais elle est plutôt optimiste sur la possibilité de réaliser l’opération: “Si ces dizaines de milliers de cas sont répartis sur l’ensemble des centres nationaux avec une grosse capacité de tests PCR Thermofisher, cela devrait être absorbable”.

Si cette première étape est franchie, il faudra encore envoyer les résultats aux laboratoires spécialisés dans le séquençage, notamment les deux Centres nationaux de référence de Paris et de Lyon. “Actuellement, nous séquençons environ 200 génomes par semaine à Lyon. Ce à quoi il faut rajouter le centre de Paris et les laboratoires qui vont s’associer à l’opération”, précise-t-elle. En clair, si le variant anglais est encore peu présent sur le territoire, les capacités ne devraient pas être dépassées.

Problème logistique

Sylvie Behillil, biologiste médicale de l’Institut Pasteur au sein du CNR de Paris, est moins optimiste vis-à-vis du plan gouvernemental. “Repasser chaque PCR avec un test Thermofisher ne me semble pas une bonne idée”, explique-t-elle au HuffPost. D’abord parce que ces tests ne sont pas majoritaires, mais surtout parce qu’elle estime qu’il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.

“Ce qu’il faudrait faire, c’est séquencer un échantillon de tests PCR positifs qui soit représentatif”, détaille la chercheuse. “Pour avoir une vraie cartographie des variants présents en France, il faut des échantillons de chaque région, mais aussi de différents types de clusters, des choses venant des hôpitaux comme des villes”.

Quoi qu’il en soit, le résultat de cette opération géante ne devrait pas être connu avant plusieurs jours. Théoriquement, les échantillons doivent être envoyés pour séquençage aux laboratoires lundi 11 janvier. Il faut ensuite compter au minimum 2 à 3 jours pour analyser le génome et détecter le variant anglais, précise Laurence Josset.

Mais le diable se cache dans les détails. “Il y a toute une logistique dans ces envois, ce sont des échantillons contenant du virus, donc il y a un triple emballage, un transport particulier, une température à respecter”, rappelle de son côté Sylvie Behillil. En clair, il ne faut pas s’attendre à avoir les résultats avec moins d’une semaine de décalage. Espérons que nous ne découvrirons pas alors une surreprésentation du variant anglais, qui aurait eu le temps de se propager encore davantage.

À voir également sur Le HuffPost: Les 4 grands types de vaccin contre le Covid-19 expliqués en 2 minutes