Avec “Blue Bayou”, Justin Chon signe un 1er film politique et bouleversant

Le mélodrame, dans sa forme la plus pure, a ceci d’ambigu qu’il dépeint une réalité sociale, souvent terrible et injuste, tout en intensifiant et falsifiant sa représentation pour mieux répondre aux exigences du genre. De là, naît un inévitable...

Avec “Blue Bayou”, Justin Chon signe un 1er film politique et bouleversant

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Le mélodrame, dans sa forme la plus pure, a ceci d’ambigu qu’il dépeint une réalité sociale, souvent terrible et injuste, tout en intensifiant et falsifiant sa représentation pour mieux répondre aux exigences du genre. De là, naît un inévitable sentiment d’ambivalence. On se souvient du cas d’école que fut Capharnaüm, mélodrame social présenté en compétition officielle à Cannes en 2018 qui déployait toute une artillerie lourde falsificatrice (scènes de suspense sur-écrites, musique lacrymale) pour dépeindre un tableau qui, lui, est bien réel (la misère d’un enfant à Beyrouth).

Comment peut-on rendre compte de la sécheresse du réel tout en le tordant simultanément, en le travestissant d’artifices ? Ne pouvant franchir cette impasse esthético-morale, le film de Labaki incarnait l’archétype de l’objet qui veut bien faire, mais qui le fait mal.

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Trois ans plus tard, c’est sensiblement aux mêmes questions que se retrouve confronté Blue Bayou, le 1er film de et avec Justin Chon, présenté en section Un certain Regard au dernier festival de Cannes. Le film explique la trajectoire semée d’embûches d’une famille recomposée devant faire face à l’expulsion du père de famille. Si Blue Bayou a beaucoup été résumé à son ambition sociétale, une saisie nécessaire des absurdités juridiques dont sont victimes la population immigrée aux États-Unis, il nous semble que la sève émotionnelle du film, ce qui le rend aussi attachant et bouleversant, mais aussi saillant politiquement, se situe ailleurs.

Les liens du sens

Plus que de dépeindre une réalité, l’ambition de Blue Bayou est de dynamiter le cadre traditionnel que l’on se fait de la famille. Celle-ci n’est pas montrée comme un sytème fixe et dépasse la loi du sang (plusieurs parents biologiques dans le film s’avouent ne pas être à la hauteur d’encadrer une progéniture, et le film ne leur jette pas la pierre) pour lui subsister une définition à la fois plus ample et réformatrice.

Je t’ai choisi”, c’est par ces mots déchirants qu’une petite fille reconnaît un homme comme son père dans le dernier mouvement du film. Un cri d’enfant transperçant le silence fait jaillir toute la force politique du film : la famille n’est pas une préoccupation biologique, c’est vivre avec celles et ceux que l’on a choisi. Sans en déflorer les multiples rebondissements, on pourra trouver à cette fin tous les défauts du monde (sa grandiloquence notamment), elle agit comme une déflagration émotionnelle d’une rare intensité. Une ultime scène qui est à l’image du travail de Justin Chon : embrasser l’emphase romantique plutôt que de tenter de restituer le réel. Parce qu’elle fait du cinéma un moyen esthétique et non de sensibilisation (malgré son carton final sur le sort des immigré·es dont on peine à comprendre ce qu’il fait ici) cette inclination nous semble ici non seulement plus enviable, mais aussi hautement plus courageuse.