“Creation of the Gods” : qu’est-ce donc que ce blockbuster chinois ?

800 millions de yuans (soit un peu plus de 100 millions d’euros), neuf ans de préparation, une année et demie de tournage, une équipe de 8000 personnes… Les chiffres – tous plus superlatifs les uns que les autres – de Creation of the Gods sont...

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800 millions de yuans (soit un peu plus de 100 millions d’euros), neuf ans de préparation, une année et demie de tournage, une équipe de 8000 personnes… Les chiffres – tous plus superlatifs les uns que les autres – de Creation of the Gods sont d’autant plus ébouriffants que le film arrive chez nous en parfait inconnu, mégalithe extraterrestre sans la moindre star identifiée par le public européen.

Adapté d’un roman mythique du XVIe siècle, L’Investiture des dieux, qui explique de façon romancée et merveilleuse les luttes de pouvoir au sommet de la Chine antique au moment de la chute de la dynastie Shang et de l’essor de sa successeure, la dynastie Zhou, le film a d’ores et déjà assuré sa santé économique (372 millions de dollars au box-office mondial) et les bonnes conditions de sortie pour ses deuxième et troisième volets, prévus pour 2024 et 2025.

Sorte de Seigneur des anneaux chinois

Sa sortie française est donc une expérimentation commerciale relevant de deux phénomènes relativement nouveaux : d’une part, l’essor des sorties éphémères, permettant d’événementialiser sans miser trop gros et, si succès il y a, de convertir en exploitation longue (comme on a pu le voir avec Godzilla Minus One) ; d’autre part, la communautarisation des publics, avec une tentative de répéter sur la population chinoise l’écosystème qui s’est développé ces dernières années autour de l’exploitation de blockbusters indiens (RRR, etc.).

Le film lui-même se présente comme une sorte de Seigneur des anneaux chinois, et il est vrai que l’on pense parfois à la trilogie de Peter Jackson face à ces grandes batailles en rase plaine, ces citadelles assiégées, ces lumières blanches et ces gigantesques coulées boueuses de figurant·es mi-humain·es mi-numériques. Tout un vocabulaire qui fait néanmoins l’effet d’un fond peint inhabité, devant lequel toute la débauche de moyens du monde ne pourra rien, tant qu’aucun personnage ne parviendra à saillir suffisamment pour accrocher l’intérêt, tant que le ton restera tout au long de ces deux heures et demie aussi uniformément solennel et sentencieux.

À moins, plus prosaïquement, que le film ne soit tout simplement pas très adapté à un public occidental, lequel a vite fait de se perdre dans une profusion de noms auxquels il n’a pas été biberonné (en Chine, la légende est un récit très populaire, voire structurant).

Un sentiment de flottement et d’indétermination

Difficile, donc, de percer la coque de son ennui poli pour atteindre pleinement ce qui devrait se jouer là, à savoir une contre-proposition à un entertainment hollywoodien en déclin, et produire un dépaysement à plusieurs titres – pas tant pour le décor en lui-même que pour le langage visuel. On se demande en réalité si Creation of the Gods ne serait pas justement, à son insu, sourdement déterminé par ce concurrent : sa saturation narrative, conduisant à un sentiment de flottement et d’indétermination, n’est pas sans rappeler celle qui frappe au même moment des “marvelleries” affadies.

S’il fait revenir un blockbuster non occidental dans le champ des sorties et marque donc une plutôt bonne nouvelle en matière de diversité, le film n’en reste pas moins une forme d’avatar indirect du Hollywood contemporain. Il souffre en tout cas durement de la comparaison avec ses prédécesseurs : trop terne, trop sérieux, monocorde – rendez-nous Detective Dee !

Creation of the Gods I: Kingdom of Storms, de Wuershan, avec Bo Huang, Fei Hsiang, Li Xuejian. En salle les 10 et 11 février