Kanye West, ou l’art grandiose de la release party

La patience n’a pas toujours ses limites. Elle peut, par exemple, se montrer intarissable lorsqu’il s’agit de Kanye West. Cela fait un an que son nouvel album, Donda, doit sortir et qu’il est régulièrement repoussé, entrevu ci et là au gré...

Kanye West, ou l’art grandiose de la release party

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

La patience n’a pas toujours ses limites. Elle peut, par exemple, se montrer intarissable lorsqu’il s’agit de Kanye West. Cela fait un an que son nouvel album, Donda, doit sortir et qu’il est régulièrement repoussé, entrevu ci et là au gré des envies de son auteur.

A tel point que chaque date annoncée est teintée de doutes quant à sa véracité. Oui mais cette fois, ça y est. Dans une release party pharaonique donnée au Mercedes-Benz Stadium d’Atlanta, Kanye West a dévoilé les vingt-quatre titres de son dixième album dans un show qui lui ressemble : messianique, démesuré et complètement dingue.

Créer l’exceptionnel

C’était il y a donc un an. Le natif de Chicago annonçait Donda pour le 24 juillet 2020 alors même qu’il était en campagne pour la présidence des Etats-Unis. Dans un meeting surréaliste, on l’avait vu drapé d’un gilet pare-balles, pleurant à chaudes larmes en glissant des insanités anti-avortement sur fond de discours religieux ambiguës. Habité par Dieu, le même qui lui avait inspiré son album Jesus Is King en 2019, il était depuis longtemps investi d’une mission. Car à travers lui, l’élu, c’est le divin qui cause. De ce sentiment d’être exceptionnel en tout point est né un talent certain pour le teasing. Kanye West a appris à rassembler autour de lui, notamment depuis la sortie en 2016 de son album The Life Of Pablo.

Dans un show précédent sa sortie et diffusé dans des cinémas des grandes villes du globe, il apparaissait entouré de sa garde rapprochée, répandant sa nouvelle musique en guise de bande-originale d’un défilé de mode. C’est cette même garde rapprochée qui l’accompagnait dans son ranch de Cody dans le Wyoming juste avant la parution de Jesus Is King.

Durant les mois suivants, il a organisé ses Sunday Services et autre Nebuchadnezzar (son opéra biblique), passant notamment par le théâtre des Bouffes du Nord à Paris. Cerné par des chanteurs habités, il apparaissait en gourou dans des images qui semblent être les prémices du spectacle d’hier soir. En fait, Kanye West n’existe pas sans les autres. Comme les dieux grecs auxquels il n’aurait aucun mal à se comparer, il a besoin d’être vénéré au risque de disparaître. Le collectif est une de ses bases de travail en studio, convoquant des dream team de musiciens comme lors des sessions de My Beautiful Dark Twisted Fantasy à Hawaï en 2010.

>>> A lire aussi : On était à la 1ère de l’opéra de Kanye West à Los Angeles, on vous explique une soirée épique

Le fantôme de l’opéra

Quoi qu’il en soit, Donda n’est pas sorti l’été dernier. Plus de nouvelle. Entre temps, Kanye West a reconnu sa défaite à la présidentielle, divorcé de Kim Kardashian, s’est maqué avec Irina Shayk, a sorti un EP de Noël nommé Emmanuel, vendu toujours plus de chaussures, mais surtout retravaillé sur Donda. Jusqu’au 20 juillet 2021. Ce soir là, lors du sixième match de la finale NBA entre les Bucks et les Suns, est diffusée une publicité pour Beats by Dre dans laquelle on entend pour la 1ère fois le titre No Child Left Behind, extrait de l’album tant attendu et désormais annoncé pour la semaine suivante. Deux jours plus tard, Kanye West s’enferme au Mercedes-Benz Stadium d’Atlanta. C’est là que l’absurde reprend ses droits.

Après une session d’écoute privées offerte à ses proches dans l’enceinte, Kanye West n’a pas quitté les lieux. Tel un fantôme, il a investi les locaux, se permettant même de faire des apparitions, masqué, dans les gradins lors d’un match des Atlanta United. Le séjour lui coûterait 1 million de dollars par jour. Il se murmure qu’il termine là son album en vue d’un événement plus grand encore, prévu pour le 6 août.

Mais avant, Kanye West a encore une dose de curiosité à injecter. La veille du show, il démarre un livestream sur Apple Music, laissant entrevoir une piaule en apparence exiguë où se succèdent des danseurs, des techniciens, et quelques têtes bien connues comme celles de Fivio Foreign, Mike Dean, Chance The Rapper, Vic Mensa ou encore Steve Lacy. Il se pare de costumes délirants signés Balenciaga, fait des pompes, compose… Toujours masqué. Sur ses réseaux, il balance une liste de coordonnées supposées indiquer les lieux de retransmission du spectacle. Il y a la place de la Bourse à Paris, mais aussi un champ au Bois-Moret, dans l’Essonne. La seconde est dégagée fissa par les gendarmes.

« Please welcome Doctor Donda West« 

Place de la Bourse, quelques irréductibles ont attendu longtemps avant de voir le messie apparaître à l’écran. L’un d’eux a livré son témoignage à BFM TV : “Ça fait quatre heures et demi que j’attends. Le concert devait commencer à 3h30 et on vient d’apprendre que ça commencera à minuit à Atlanta. Là il est 22 heures là-bas, donc on espère que ça commencera à 6 heures du matin”. On ne sait plus si on doit rire, pleurer ou admirer la démarche. Ce qui est certain, c’est que lorsque les images apparaissent, le son est inexistant, forçant les quelques spectateurs à se connecter à Apple Music pour entendre la musique.

Car oui, Donda a bien retenti. Dans le stade d’Atlanta, la foule observe durant de longues minutes un tas de vêtements et une bougie placés au centre de l’arène. Puis, une voix résonne : « Please welcome Doctor Donda West. » Donda est le nom de la mère de Kanye, décédée en 2007. Cet événement avait profondément inspiré son album 808s and Heartbreak et plane désormais sur cette nouvelle sortie. Les guests se succèdent : Pusha T, Travi$ Scott, Jay Z, Lil Baby… Autour d’eux, une foule de danseurs se mouve comme des moines en procession dans une mise en scène imaginée par Demna Gvasalia, designer chez Balenciaga. Kanye West débarque, vêtu de noir, cagoulé. Il réitère les gestes distillés durant son livestream, entre exercices de musculation, positions statiques et chant. Mais le plus important, c’est qu’il déroule son album. Et quel album.

Avoir Dieu à son service

Déjà disponible en pré-commande, Donda se révèle être une hallucinante réunion de featurings. On sent la patte sonore de Mike Dean sur Moon, en featuring avec Don Toliver et Kid Cudi. Ce dernier, fidèle parmi les fidèles, est à la baguette de plusieurs titres, tout comme Digital Nas et Vory. L’un des temps forts, de ceux qui présagent d’un album monstrueux, c’est la diffusion de Off The Grid, en collaboration Fivio Foreign et Playboi Carti. Une boucherie. Sur une prod de Blaccmass, Kanye sort Pop Smoke d’entre les morts avec Tell The Vision, l’un des plus commentés sur les réseaux, tout comme le fabuleux Hurricane qui réunit Lil Baby et The Weeknd.

Mais le moment que l’on retiendra le plus est certainement la clôture de ce show monumental. Kanye West est accroché à des câbles reliés au toit du stade. A la manière d’un apôtre en apothéose, il s’élève lentement au-dessus du sol alors que No Child Left Behind éclate dans les enceintes : « He’s done miracles on me ». Une phrase répétée à l’envi alors que le rappeur continue de gravir la distance qui le relit à Dieu, visage vers le ciel et bras en croix, en pleine lumière. Si bien qu’on ne sait plus distinguer Dieu du serviteur.

Donda devait être disponible dans la foulée. Mais une nouvelle fois, il tarde à poindre. Snoop Dogg serait en train d’enregistrer un dernier complet, paraît-il. Si bien que certaines sources affirment qu’il paraîtra finalement le 7 août. D’autres évoquent le lundi 9. Quoi qu’il en soit, il promet d’être un moment marquant de la carrière de Kanye West, une réponse limpide à ceux qui avaient prévu sa fin musicale après la sortie du controversé Jesus Is King. Si l’attente peut réellement se faire intarissable, celle qui entoure la parution de Donda peut bien se prolonger quelques jours.