Les OPA hostiles façon Veolia-Suez ont du mal à passer en France

FINANCES - “Contre les salariés, qui se sont exprimés, contre le Conseil d’administration, contre les clients et contre les usagers”. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, ne cachait pas sa déception ce lundi 8 février au matin au micro...

Les OPA hostiles façon Veolia-Suez ont du mal à passer en France

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

Les logos de Véolia et Suez (Photos KENZO TRIBOUILLARD and ERIC PIERMONT / AFP)

FINANCES - “Contre les salariés, qui se sont exprimés, contre le Conseil d’administration, contre les clients et contre les usagers”. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, ne cachait pas sa déception ce lundi 8 février au matin au micro d’Europe 1. Le locataire de Bercy a fustigé, face à Sonia Mabrouk, le coup de boutoir portée par Véolia.

La veille, le géant de la gestion des eaux a lancé les hostilités contre Suez, mastodonte des déchets, en déposant une offre publique d’achat (OPA) sans son accord préalable. Concrètement, après des mois de piques par médias interposés et des tentatives de dialogue, Véolia -qui détient déjà 29,9% des actions de Suez, rachetées à Engie en octobre dernier- a proposé directement aux actionnaires de mettre sur la table près de 8 milliards d’euros pour racheter les 70% restants.

“Si dans le monde des opérations financières entre entreprises, les rapprochements sont le plus souvent négociés, parfois, l’animosité est si grande, que cela tourne à la bataille rangée. Veolia ne pense pas réussir à convaincre le conseil de Suez, alors le groupe propose son offre directement aux actionnaires en se passant de l’avis du conseil administration adverse. Dans l’hypothèse où elle obtiendrait une part suffisante de Suez pour contrôler la société, elle en prendrait le contrôle”, détaille pour Le HuffPost Nicolas Chéron, stratégiste marché pour Zone Bourse.

Immédiatement après cette annonce de Véolia, Suez a demandé la suspension de l’offre et Bruno Le Maire a annoncé saisir l’Autorité des marchés financiers (AMF), seule à même de dire si l’offre est acceptable, c’est-à-dire si elle ne lèse pas certains actionnaires. De fait, en France, en comparaison par exemple des États-Unis, les OPA hostiles n’ont pas vraiment la côte.

L’enjeu des emplois pour Bercy

Dans le dossier Véolia-Suez, si le pion avancé ce dimanche soir suscite autant la controverse à Bercy, c’est en premier lieu parce qu’il soulève des enjeux en matière d’emplois. Un dossier brûlant en pleine crise du Covid-19. Bruno Le Maire ne l’a d’ailleurs pas caché au micro d’Europe 1, pointant du doigt une OPA inamicale “contraire aux engagements pris”.

En octobre dernier, dans les colonnes du HuffPost, l’avocat Rubin Sfadj avançait même que “les fusions-acquisitions, et particulièrement les plus grandes, coûtent toujours plus cher que prévu. Et donc, mécaniquement, les efforts de réduction des coûts qui s’ensuivent sont toujours plus importants que prévu”.

Comme l’explique Nicolas Chéron, les opérations hostiles peuvent entraîner des situations compliquées en matière de ressources: “En se mettant à dos une partie de la direction adverse, on risque des problèmes d’intégration, du ressentiment, le départ de dirigeants clefs, etc.”

Et gage qu’en la matière la dimension politique a pris une ampleur particulière: en octobre dernier, Mediaparta assuré que l’État avait joué un jeu double dans la vente des actions de Suez par Engie. Selon le quotidien en ligne, si officiellement il s’opposait à cette vente, le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Köhler, serait intervenu pour pousser deux administrateurs à ne pas prendre part au vote. 

“J’ai un peu le sentiment que Bruno Le Maire se voyait bien en arbitre des négociations amicales, avec Bercy comme marieur. Avec sa réaction, on voit bien que ça ne se passe pas comme il avait prévu. Véolia est passé à l’attaque sans l’aval de Bercy. Or je crois qu’à Matignon comme à Bercy, il y a une certaine  nostalgie de l’époque où les grands mariages industriels se faisaient plutôt dans les ministères”, estime un avocat d’affaires contacté par Le HuffPost.

Des outils pour ralentir une OPA

En France, la notion d’OPA rappelle également des souvenirs douloureux. Comme le relève les Échos, en 2015 après la fermeture de l’usine de Florange, l’exécutif a fait voter une loi du même nom qui permet par exemple de déployer des droits de votes doubles.

De la même façon, des réglementations internationales permettent à des États d’empêcher une cession lorsqu’elle n’est pas conforme à l’intérêt du pays. Tous les États dans le monde ont ainsi défini un certain nombre de secteurs économiques clés dans lesquels il est possible d’empêcher une fusion-acquisition. C’est notamment le cas en France dans le domaine de la Défense.

À cela s’ajoutent également différentes stratégies qui peuvent passer par l’émission de nouvelles actions afin de devenir plus cher, ou encore de faire appel à un chevalier blanc. Il s’agit alors de solliciter une tierce entreprise, alliée, afin de faire une contre-proposition et c’est notamment ce qu’a tenté de faire Suez avec le fonds d’investissement Ardian. “C’est certainement la stratégie qui fonctionne le mieux. On sort de l’hostilité, mais on perd son indépendance. Du coup c’est une façon de choisir son partenaire, lequel ne menacera pas vos emplois ou votre stratégie”, détaille Frank Martin-Laprade, docteur en droit, contacté par Le HuffPost. 

Les OPA aboutissent souvent

Dans les faits, il ne s’agit que d’une palette d’outils, car rien ne permet frontalement d’empêcher une OPA. “Au final ce sont toujours les actionnaires qui font pencher la balance car ce sont eux les propriétaires de l’entreprise”, estime un observateur du secteur.  

Surtout, la notion “d’hostilité” ne dure parfois qu’un temps et permet en fait de faire avancer les négociations: l’entreprise qui initie l’offre “fait parfois ça pour forcer la main de la cible”, explique Nicolas Chéron avant d’ajouter: “Souvent dans ce cas-là, il y a un nouveau round de discussions, un prix amélioré et la cible finit par accepter: l’OPA redevient ‘amicale’ après avoir reçu la bénédiction du conseil d’administration ou du conseil de surveillance”.

Une relativité de “l’hostilité” confirmée par plusieurs observateurs du secteur, pour qui les déclarations politiques de ces derniers jours teintent forcément l’ensemble des récits médiatiques qui sont produits autour du dossier Véolia-Suez. “C’est une offre hostile pour qui? Est-ce qu’elle est hostile parce qu’elle n’est pas assez chère? Une entreprise ciblée a aussi tout intérêt à faire monter les prix”, pointe ainsi un bon connaisseur du monde des affaires souhaitant rester anonyme. 

À voir également sur Le HuffPost: François Bayrou se défend après ses propos sur la classe moyenne à 4.000 euros