MC Solaar se souvient de Cassius : “Ils entendaient le son du futur”

On avait envoyé des cassettes à droite, à gauche avant de recevoir une réponse intéressée de Polydor. Avec Régis [Douvry, son manager de 1990 à 1997], on s’était donc rendus dans leurs bureaux rue Cavallotti dans le XVIIIe arrondissement de...

MC Solaar se souvient de Cassius : “Ils entendaient le son du futur”

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On avait envoyé des cassettes à droite, à gauche avant de recevoir une réponse intéressée de Polydor. Avec Régis [Douvry, son manager de 1990 à 1997], on s’était donc rendus dans leurs bureaux rue Cavallotti dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Nous sommes d’abord reçus par Philippe Ascoli, avec lequel on écoute Bouge de là, Caroline et Matière grasse contre matière grise.

Malheureusement, il n’y avait pas d’autres morceaux à faire écouter, j’improvise donc un autre titre en rappant, puis Ascoli nous présente Hubert Blanc-Francard, alors directeur artistique chez Polydor. Il nous réserve une journée au studio de la Bastille, histoire de faire plus amplement connaissance avec Jimmy Jay et moi.

Aussi loin que remontent mes souvenirs, Hubert a toujours été là. C’était notre DA, même si j’ignorais alors ce que cette fonction recouvrait précisément. On arrivait avec notre matière brute et BoomBass ajoutait des beats ou des samples qu’on ne connaissait pas.

Ensemble, on parlait un autre langage

Le cas échéant, il faisait venir un musicien pour jouer tel instrument, comme le bassiste Laurent Vernerey sur Bouge de là. De son côté, Philippe apportait déjà toute sa science de l’enregistrement et du mixage. Il était toujours en alerte de la dernière rave ou free party dans une époque où les moyens de s’informer étaient beaucoup plus limités qu’aujourd’hui.

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La mayonnaise a pris dès le 1er jour de notre collaboration sur Bouge de là. Par leurs personnalités respectives, ils étaient très complémentaires – Hubert était plus réservé et cérébral tandis que Philippe était plus expansif et fêtard. Ils m’apportaient une créativité supplémentaire.

BoomBass et Zdar sont parmi les 1ers à faire du son plutôt que de la musique – ensemble, on parlait un autre langage. Grâce à eux, j’ai effectué mon 1er voyage aux États-Unis pour le mastering de Qui sème le vent récolte le tempo à New York en 1991. Ils m’ont servi de guides de luxe, entre les studios, la culture hip-hop, les soirées house et les bonnes adresses. À l’époque, je suis encore étudiant potentiel (sourire).

Naturellement, on poursuit notre collaboration sur l’album suivant, Prose combat (1994). Au fameux Studio Plus XXX dans le XIXe, on se met en mode lockout. On travaille sans aucune pression. Je me rappelle encore le jour où Hubert a apporté le sample de Gainsbourg pour Nouveau Western.

J’écrivais quasiment en direct les couplets dans le studio. En termes de son, Prose combat est plus dur que le précédent, même si Hubert et Philippe ne sont jamais entrés dans le débat rap et variété. Ils ne suivaient d’ailleurs aucune tendance musicale française de l’époque, on avait simplement envie de faire mieux que le 1er album.

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Parallèlement, ils commençaient à me faire écouter les 1ers maxis de La Funk Mob et Motorbass, l’autre projet de Philippe avec Étienne de Crécy. Après notre séparation avec Jimmy Jay, on enchaîne avec Paradisiaque, travaillant cette fois au Labomatic, le studio du père d’Hubert, Dominique Blanc-Francard.

Zdar avait cette qualité rare de voir les gens plus hauts que ce qu’ils sont

Sur des morceaux comme Daydreamin ou Zoom, on entend clairement leur patte “housienne”. Sans le savoir, BoomBass et Zdar sont encore en avance et futuristes. Ils entendaient le son du futur. Paradisiaque est aussi le disque auquel a participé DJ Mehdi, avec lequel ils tourneront ensuite avec Ed Banger.

Nous ne nous sommes jamais perdus de vue, on se croisait autant en journée qu’en soirée. Lorsque j’ai appris la mort de Philippe un soir de juin 2019, je ne pouvais pas y croire. Je ne conserve que des bons moments passés ensemble et beaucoup de souvenirs mémorables, en studio, à table ou en soirée.

Zdar avait cette qualité rare de voir les gens plus hauts que ce qu’ils sont. Ils étaient comme deux frères qui aimaient faire la fête mais pas au même moment, sauf quand ils étaient derrière les platines avec Cassius. Si je dois retenir un seul titre de toutes ces années, ce serait La musique adoucit les mœurs. Ils me surnommaient le conciliateur néo-géo.

Rééditions Qui sème le vent récolte le tempo (déjà disponible), Prose combat (sortie fin septembre), Paradisiaque (sortie début décembre) chez Polydor/Universal