On y était : Taylor Swift à Paris La Défense Arena, la reine en son arène 

Depuis la sortie de son onzième album studio, The Tortured Poets Department, qui a valu à Taylor Swift son meilleur démarrage en France, ces messieurs mélomanes grognent encore plus sur ce phénomène qu’ils méprisent (trop blonde, trop pop,...

On y était : Taylor Swift à Paris La Défense Arena, la reine en son arène 

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

Depuis la sortie de son onzième album studio, The Tortured Poets Department, qui a valu à Taylor Swift son meilleur démarrage en France, ces messieurs mélomanes grognent encore plus sur ce phénomène qu’ils méprisent (trop blonde, trop pop, trop amoureuse en série), rappelant souvent au passage qu’ils écoutent, eux, du vrai bon son.

Hormis le fait indéniable qu’ils confirment le slut-shaming dont Swift est régulièrement victime, et qu’elle a plusieurs fois dénoncé, parmi ses admirateur·ices, on ne trouve pas exclusivement des féru·es de pop à la Madonna ou Beyoncé, mais aussi des dingues de Nick Cave, PJ Harvey, Neil Young, Oneohtrix Point Never, Sleater-Kinney… Et que Taylor Swift n’est pas à court de références ni de démonstrations scéniques. 

Défilé de styles et frise chronologique

En témoigne la soirée du 9 mai 2024, à La Défense Arena, lors du lancement de ses quatre shows parisiens, et de son tour européen par la même occasion. Salle peuplée de fond en comble, polyglotte, quasi un quart de nationalité américaine. Au diable l’empreinte carbone, les Swifties sont prêt·es à tout pour assister à une performance de 45 chansons, échanger moult bracelets ultra-mim’s et dévaliser le merchandising, ouvert trois jours avant le concert… Outre une humeur euphorique, plus qu’appréciable en une période trouble où le monde semble être devenu un réseau social dopé à une constante agressivité, le mot d’ordre est d’arborer les paillettes, levier esthétique des performances de Swift.

Sur ses innombrables tenues de scène (on a renoncé à compter au bout d’un moment), quasi aucune ne lésine sur le glimmer. Hormis une longue robe jaune, dont les volants et les manches châles, ensuite recouverts d’une cape noire, évoquent les tenues de Stevie Nicks – d’ailleurs citée par Swift dans The Tortured Poets Department. Sur le chapitre du concert consacré aux albums Folklore et Evermore, elle tournoie, telle la fée gypsy de Fleetwood Mac. Belladonna 2.0 qui s’entoure de ses compagnes sorcières pour observer finalement l’embrasement d’une cabane rehaussée de sapins, façon Catskills. De Hollywood à New York, que l’on a vu passer via une architecture peuplée de danseur·euses arpentant des brownstones, il n’y a qu’un pas. Car, c’est la fantasmagorie états-unienne que convoque Swift : bodies cabaret de Lover, uniforme de pom-pom girl affranchie sur la période 1989, robe façon bal de promo sur Enchanted, tirée de Speak Now. Ici, l’ultra-girly s’assume tête haute.

Eras Tour, donc : en témoigne son nom, la tournée de la chanteuse born and raised en  Pennsylvanie parcourt les différentes périodes de sa discographie, qui pèse lourd dans l’industrie du disque mondiale, couronnée par cette série de concerts à échelle mastoc. “C’est la plus belle expérience de ma vie, qui réunit tous mes souvenirs préférés jusqu’ici de ma carrière”, résume Swift. Et ceux d’un public exultant de voir sa (super)star arpenter un podium surmonté d’écrans géants, à la scénographie millimétrée et à la musique assurée bravement, sans d’autres pauses que de rapides interludes, par Taylor Swift, son groupe (batterie, programmation, deux guitares, une basse, quatre choristes) et une bonne douzaine de danseur·euses. Histoire de rappeler qu’elle est autrice-compositrice-interprète, mais également instrumentiste, Taylor Swift s’accompagne régulièrement de sa guitare (blanche, grise ou noire pailletées, au choix) ou du piano – dont l’un, au bois recouvert de fleurs peintes, convoque les jams seventies de Laurel Canyon.

Encyclopédie intime

À l’image d’albums recensant ses émois depuis l’adolescence, le concert se déroule tel un carnet d’états d’âme par lesquels est passée la chanteuse. À chaque album sa couleur, ses costumes, son humeur. Sur le féministe The Man, elle montre, souriante, la musculature de son bras – et oui, les machos, vous pouvez grogner, mais ses chagrins d’amour lui rapportent plus qu’ils ne vous rapporteront jamais. Et pas uniquement du point de vue financier. Si les bénéfices du Eras Tour sont énormissimes, la chanteuse se nourrit visiblement de la passion de son public comme d’un dopant, assurant durant plus de trois heures quasi non-stop avec un enthousiasme confondant, tantôt sexy, tantôt espiègle, tantôt romantique – à l’excès, forcément. Ce qui induit, certes, des rouages très, très huilés…

De notre côté, on a un faible pour la séquence reptilienne de Reputation, le disque de la rencontre avec Jack Antonoff, de l’embrouille avec les West-Kardashian et de la bataille pour faire reconnaître sa plume sur This Is What You Came For de Rihanna, coécrit avec son ex Calvin Harris. Et, bien sûr, personne n’a résisté à l’ultra-tubesque 1989. Ce soir, sont joués Style, Blank Space, Shake It Off, Wildest Dreams et Bad Blood. On aime beaucoup Neil Tennant des Pet Shop Boys, mais on se permettra de s’inscrire en faux sur ses récents propos selon lesquels Swift n’avait pas de hits en stock : on les tient ici. 

Quant au clou du spectacle, c’est la découverte live de quelques titres de The Tortured Poets Department, rassemblés sous le nom de Female Rage – logique, au vu des différentes étapes d’une rupture qu’elle décrit dans ce double album. D’abord, l’ironique But Daddy I Love Him, puis So High Shool, un Who’s Afraid of Little Old Me? qui fonctionne davantage sur scène qu’en studio, Down Bad, l’ouverture french touchienne de Fortnight, les ballades confectionnées aux côtés d’Aaron Dessner (The National) : The Smallest Man Who Ever Lived et loml. Et I Can Do It With a Broken Heart, formellement assez banal, mais qui s’avère être un choix audacieux au vu de ses paroles, expliquant comment maintenir le mythe de la pop star en pleine débâcle amoureuse est pour le moins a pain in the ass  : “Lights, camera, bitch, smile/Even when you wanna die (…) All the piеces of me shatterеd as the crowd was chanting ‘more I was grinnin’ like I’m winnin’ (« Lumières, caméra, bitch, souris/Même quand tu as envie de mourir/Je me brise en mille morceaux alors que la foule hurle : ‘Encore’/Je souriais comme si je gagnais”). 

Grâce aux différents degrés de lecture de ses partitions, ce Female Rage est franchement réussi. Robe blanche sans paillettes (sic !) signée Vivienne Westwood, aux motifs calligraphiques, en écho avec le motif de la machine à écrire de The Tortured Poets Department, notamment utilisée par un homme qui se prend pour un poète maudit ; sol incliné, cube miroitant filant à toute allure et sur laquelle Swift est juchée, égrenant ses désillusions. Enfin, c’est sur la séquence Midnight que la tension retombe, baissant le rideau sur un conte de fée méga-pop, où résonnent encore des échos country de l’apprentissage swiftien, et dont tous les sentiments sont vécus au centuple.