“Paradigmes”, nouvelle folie electropunk et bordélique signée La Femme

Pipe à la main, crâne rasé et costard blanc cassé, Sacha Got la joue Michel Foucault sur un plateau télé enfumé, comme à l’époque où si tu ne tenais pas ta clope avec la précieuse désinvolture d’un Houellebecq t’étais pas un homme dans le milieu...

“Paradigmes”, nouvelle folie electropunk et bordélique signée La Femme

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

Pipe à la main, crâne rasé et costard blanc cassé, Sacha Got la joue Michel Foucault sur un plateau télé enfumé, comme à l’époque où si tu ne tenais pas ta clope avec la précieuse désinvolture d’un Houellebecq t’étais pas un homme dans le milieu des lettres.

La scène se déroule dans le clip de Disconnexion, troisième extrait du nouvel album de La Femme et ode à l’usage de psychotropes en tant qu’ils peuvent être des substances vectrices, non pas de transcendance, mais de déconnexion d’une réalité qualifiée dans le morceau de “pascalienne”.

Après un voyage sous acide à Zabriskie Point, le philosophe de la postmodernité aurait ainsi pleuré comme un nouveau-né, avant de déclarer qu'il connaissait désormais “la Vérité”. L’histoire ne dit pas en revanche de quel côté du trip se situe cette “Vérité”.

Succubes lubriques et cavalcade synth-surf en Cinémascope

Bien décidé à ne pas répondre à cette question aussi vaine qu’une chanson d’Eddy de Pretto, La Femme mobilise le bréviaire des sciences humaines et sociales pour en extraire ce titre, Paradigmes, comme un prétexte à la poursuite – dans une époque prise en flagrant délit de télescopage intergénérationnel – de leur exploration psychédélique du métier de vivre.

“Parfois, la nuit, lors des moments d’errance, ou quand nous sommes sous l’emprise de quelque chose, notre vision du réel est interrompue par des anomalies qui nous amènent à nous demander ce qui est vrai ou non”, notent-ils dans le livret qui accompagne le disque.

Façon de rappeler que les albums de La Femme ne sont pas seulement des juke-box, mais aussi des vortex dans lesquels on entre comme on entre dans un lupanar de freaks à Hawaii, les lunettes d’Hunter S. Thompson sur le pif et les poches pleines de flacons d’élixirs illicites et aphrodisiaques.

>> A lire aussi : La Femme en huit clips mémorables

Paradigmes n’échappe pas à cette règle, il en précise même davantage les contours par l’entremise d’un générique rassemblant quinze titres où se croisent succubes lubriques (Divine Créature), cavalcade synth-surf en Cinémascope (Lâcher de chevaux), cruauté des amoureux·euses écorché·es délicatement susurrée (Le Sang de mon prochain), ou encore évocation lointaine des premiers roulages de pelle dans la cour du collège (Pasadena, sorte de ballade rap/r’n’b post-Pit Baccardi).

Chaque (sous)genre musical est exalté ici

Si l’on était du genre universitaire, flanqué d’une veste jacquard à coudières, on analyserait l’œuvre complexe et pléthorique de La Femme en la découpant par segments qui seraient autant de sujets de thèse littéraire : “Drogues, psychédélisme et bacchanales décadentes : la quête des paradis artificiels par Sacha et Marlon”, “Rêveries adolescentes, insouciance amoureuse et couleurs pastel : à la recherche du temps perdu”, ou encore “Vampires, succubes et imagerie fantastique : La Femme, un groupe de genre ?”

Mais la force de Paradigmes, comme cela fut déjà le cas avec Psycho Tropical Berlin (PTB pour les potes) et Mystère, tient dans le carambolage de ces thèmes, passés à la moulinette d’une gouaille morveuse et de fulgurances qui semblent traduire une volonté de ne pas s’embarrasser avec une syllabe de trop qui traîne sur une mesure, pourvu qu’il y ait l’ivresse.

Chaque (sous)genre musical exalté ici (synthpop, punk, növö, pop) ne fait finalement figure que de support dynamique propice à l’expression immédiate d’un sentiment qui n’attend plus que d’être craché pour s’embraser – un coup sous la forme d’une naïveté touchante sur une nappe d’orgue déformée lorsqu’il s’agit d’évoquer un pote disparu (Mon ami), un autre sous la forme d’un pétage de boulon façon La Souris Déglinguos version synth-punk (Foutre le bordel).

Depuis l’avènement de la Femme, ce je-m’en-foutisme apparent a longtemps laissé penser qu’il était à la portée de tous·tes de faire de grands disques. La preuve, des tas de groupes nuls sont tombés dans le panneau. C’est oublié que cette désinvolture branlos ne donnerait rien de bon à écouter sans la conscience aiguë du tragique de l’existence. Les masques sont tombés, il y avait un clown, un banjo, et la possibilité d’un monde nouveau derrière.

>> A lire aussi : La Femme par Jean-Baptiste Guillot (Born Bad) : “Une trajectoire exemplaire”

Paradigmes_LaFemme.jpgvisuel de l'album

 Paradigmes (Disque Pointu/PIAS/Idol), sortie le 2 avril