[RécitCritique #6] Les Inrockuptibles et Pedro Almodovar, cinéaste du désir

Bien que le mélodrame soit devenu son genre favori, Pedro Almodovar, icône de la Movida, dessine un paysage de cinéma où les genres se rencontrent et se confondent. De la comédie queer au thriller en passant le drame intimiste, le cinéaste...

[RécitCritique #6] Les Inrockuptibles et Pedro Almodovar, cinéaste du désir

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Bien que le mélodrame soit devenu son genre favori, Pedro Almodovar, icône de la Movida, dessine un paysage de cinéma où les genres se rencontrent et se confondent. De la comédie queer au thriller en passant le drame intimiste, le cinéaste explore et transgresse, comme ses personnages, les codes imposés, de façon à donner à voir un univers unique où différentes tranches de vie se conjuguent. La cinéphile même de Pedro Almodovar s’introduit dans ses films et ses références ne sont pas uniquement des clins d’oeil discrets, mais participent également à ses histoires en bousculant ses héros et héroïnes. Chacune de ses oeuvres pourraient se ressembler, mais sa filmographie montre l’évolution des obsessions de ce cinéaste du désir.

A l’occasion de la sortie en VOD et DVD de La Voix humaine, le nouveau court métrage de Pedro Almodovar, retour sur les critiques de ses films écrites par les journalistes des Inrockuptibles au moment de leur sortie. A noter que notre sélection ne commence qu’à partir de 1995, date à laquelle notre revue est devenue hebdomadaire.

La fleur de mon secret (1995)

Si La fleur de mon secret est un film de « bons sentiments » d’après Almodovar, c’est parce qu’il s’agit d’un film de passage, celui d’un mélodrame loin du kitsch et de l’extravagance de Talons aiguilles (1991) et de Kika (1993). « Freinant sa tendance aux outrances baroques, Almodovar livre un film sobre et retenu, gaiement déprimé », écrivait dans sa critique Olivier De Bruyn. « Finalement, la carrière de Pedro Almodovar est du genre compliquée. Comique potache excellant primitivement dans la parodie hispanique et la pochade ironique, il semblait exclusivement destiné à tresser un joli petit univers kitsch, synchrone avec la futilité des années. » 

>> Retrouvez la critique complète du film par Olivier De Bruyn : La fleur de mon secret

En chair et en os (1996)

Embarqué dans un trio amoureux où désirs contrariés et frustrations se mêlent, En chair et en os s’inscrit dans une esthétique plus sombre, presque réaliste, à l’instar de La loi du désir (1986). « Loin de cette Almodovar’s touch qui l’a rendu célèbre dans le monde, En chair et en os est un mélodrame rongé par la douleur amoureuse et hanté par le souvenir du franquisme », soulignait à l’époque Serge Kaganski. 

>> Retrouvez la critique complète du film par Serge Kaganski : En chair et en os

Tout sur ma mère (1999)

En obtenant pour ce film le prix de la mise en scène au Festival de Cannes en 1999 et l’Oscar du meilleur film étranger en 2000, le cinéaste s’impose sur la scène internationale. Il raconte l’histoire tragique d’une mère (Cecilia Roth) dont le fils meurt dans un accident et qui, dans un mouvement truculent, va trouver refuge auprès d’une jeune nonne (Penélope Cruz) et d’une femme trans bohème (Antonia San Juan) à Barcelone. Dans son texte, Vincent Ostria résumait clairement l’intention du film : « Almodovar fait du neuf avec de l’ancien : dans Tout sur ma mère, comme souvent, travelos et camés se bousculent. Mais là c’est du vrai drame, à la fois clinique et théâtral, où la bonté triomphe de toutes les perversités du kitsch. Cette année, l’une des grandes tendances cannoises pourrait être le retour en force de la bonté et de la compassion. »

>> Retrouvez la critique complète du film par Vincent Ostria : Tout sur ma mère

Parle avec elle (2002)

Serge Kaganski considérait Parle avec elle comme « un chef-d’œuvre, entre feuilleton et mélodrame ». Comme à son habitude, dans ce film, Almodovar explore une fois de plus son genre de prédilection et y raconte un double amour. Tandis que Benigno (Javier Camara), jeune infirmier, tombe amoureux d’Alicia, une patiente dans le coma (Leonor Watling), Marco (Darío Grandinetti), un journaliste, s’entiche quant à lui d’une torera (Rosario Flores). « Parle avec elle est un ample chant mélancolique sur la chair et l’esprit, le désir et les sentiments, la foi et la folie, l’art et la mort. Où le style n’écrase jamais le propos, mais le sert et le rehausse. »

>> Retrouvez la critique complète du film par Serge Kaganski : Parle avec elle

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La Mauvaise éducation (2004)

Jusqu’ici le cinéaste n’avait jamais filmé le passé, se contentant de le raconter. Avec La Mauvaise éducation, il convoque les fantômes d’une Espagne franquiste, engoncée dans la religion, et dans laquelle se perdent deux enfants, piégés entre les secrets, l’injustice et le désir. A l’inverse de ses précédents films, Almodovar ne fait pas qu’évoquer le passé, il le montre. « Plongée dans l’Espagne franquiste, celle des mensonges, de la tyrannie disciplinaire et des pulsions sexuelles refoulés. Un monde de terreurs enfantines qui n’est pas sans rappeler Lynch », analysait à l’époque Jean-Marc Lalanne.  

>> Retrouvez la critique complète du film par Jean-Marc Lalanne : La mauvaise éducation

Volver (2006)

C’est l’histoire d’une survivance contre les douleurs passées, l’inceste et la mort. Mais c’est surtout pour Jean-Baptiste Morain “une histoire de femmes où le maître espagnol (Pedra Almodovar) allie virtuosité formelle et légèreté naturaliste », le cinéaste ramenant ces trois femmes égarées et perdues sur un sentier commun afin de lutter contre l’oubli. Raimunda (Pénélope Cruz), sa soeur aînée Soledad (Lola Duenas) et leur mère (Carmen Maura), prétendument morte, se retrouvent dans un « film à l’équilibre fragile, qui ne ressemble en rien, pourtant ou justement, à rien d’autre qu’à lui-même ».  

Etreintes brisées (2009)

Almodovar fait d’Etreintes brisées un film noir, dans lequel un réalisateur, Harry Caine (Lluís Homar), vit dans le souvenir de son amour perdu. Cinéaste autrefois, il est désormais aveugle et est devenu scénariste. La mise en scène lui permet alors de restituer à l’image ce qu’il lui reste, le passé. « Un film complexe et sombre (…) dédié autant à l’amour fou qu’à l’amour du cinéma », d’après Serge Kaganski. Almodovar est un fétichiste, un homme profondément amoureux du cinéma et,« comme du parfum volontaire ou inconscient”, il projette ses modèles dans ce film : Rossellini, Minnelli, Hitchcock.

>> Retrouvez la critique complète du film par Serge Kaganski : Etreintes Brisées

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La piel que habito (2011)

Hanté par son passé, Almodovar dresse ici le portrait d’un savant fou, Robert Ledgard (Antonio Banderas), un chirurgien perturbé depuis l’accident de « Vera (Elena Anaya), l’étrange jeune femme recluse dans la maison du mystérieux docteur, ravissante créature issue d’une mutation qu’elle n’a en rien choisie ». Contrairement à ses films antérieurs, le cinéaste étire ici l’idée de la transformation, ou plutôt de la métamorphose. La piel que habito est incontestablement « l’un des films les sombres d’Almodovar, mené avec une maestria confondante », écrivait Jean-Marc Lalanne.

>> Retrouvez la critique complète du film par Jean-Marc Lalanne : “La piel que habito”, un parcours palpitant entre les gènes et les genres

Les amants passagers (2013)

Retour aux artifices et à l’extravagance avec Les Amants passagers, film que le réalisateur considère lui-même comme étant « le plus gay » qu’il ait réalisé. Comment résumer cette comédie queer ? Jean-Baptiste Morain le décrivait sobrement comme « un huis clos dans un avion détraqué avec des passagers qui le sont tout autant ». Bien que la critique n’ait pas forcément été tendre avec le 19e long-métrage d’Almodovar, le critique des Inrockuptibles saluait toutefois un film dans « l’ensemble assez joyeux, très farfelu, frais mais aussi élégant ». 

>> Retrouvez la critique complète du film par Jean-Baptiste Morain : “Les Amants passagers” : Almodóvar renoue avec la comédie farfelue

Julieta (2016)

Adapté de trois nouvelles de la Canadienne Alice Munro, Julieta annonce le grand retour d’Almodovar à un ton plus sérieux, « un mélo sombre et raffiné » d’après Serge Kaganski. Une fois de plus, le film prend racine dans le passé, prenant la forme d’un flash-back raconté par la voix-off de Julieta. Les films d’Almodovar semblent autant montrer les tristesses présentes que les séparations du passé, avec « les itinéraires d’une mère et d’une fille laminées par la culpabilité ». Cette réalisation prend ainsi “des airs du roman policier, mais il se refuse d’instruire les mobiles ou coupable ».

>> Retrouvez la critique complète du film par Serge Kaganski : Julieta

>> A lire aussi : “Vivre autrement le cinéma” : rencontre avec Nathanaël Karmitz, cocréateur de l’Hotel Paradiso

Douleur et Gloire (2019)

La plupart des films d’Almodovar sont en grande partie autobiographiques, mais le cinéaste va plus loin dans l’utilisation du « je » avec Douleur et Gloire. Sans tomber dans une forme de narcissisme, le film suit un réalisateur (Antonio Banderas) en proie aux doutes et aux désirs. Le premier plan est alors à l’image de l’ensemble du long-métrage : un homme isolé, livide dans une piscine. « Dans un geste cinématographique d’une allègre mélancolie, signalait Gérard Lefort, le cinéaste met en scène ce qui a formé son imaginaire en évitant l’écueil de la complaisance. » Le film parvient à nous partager cette détresse, « cette crise artistique, parce que son inspiration semble taire », mais aussi une « crise existentielle qui le fait se pencher sur son passé et en douter ». 

>> Retrouvez la critique complète du film par Gérard Lefort : Avec “Douleur et Gloire”, Pedro Almodóvar revisite sa propre histoire

La Voix humaine (2020)

Librement adapté de la pièce éponyme signée Jean Cocteau, La Voix humaine donne vie au « soliloque d’une femme abandonnée qui parle au téléphone à son amant, récemment parti », résume Gérard Lefort. Dans ce court-métrage, « Tilda Swinton, amante éconduite aliénée par sa passion, apparaît plus altière et incandescente que jamais ». Gérard Lefort insiste sur le fait que « contrairement au texte de Cocteau, le film n’est si compassionnel ni gentiment misogyne ».

>> Retrouvez la critique complète du film par Gérard Lefort : Tilda Swinton embrase “La Voix humaine” de Pedro Almodóvar