Report des régionales: l'exécutif manoeuvre pour éviter de trancher

POLITIQUE - Exécutif cherche porte de sortie, désespérément. Le mois de juin a beau se profiler, la question éruptive du maintien des élections régionales au printemps n’a toujours pas été tranchée. C’est le sens du débat organisé ce mardi...

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Après le psychodrame des municipales, les manoeuvres de l'exécutif pour éviter de trancher le maintien des régionales (photo d'illustration prise le 15 mars 2020 à Toulouse)

POLITIQUE - Exécutif cherche porte de sortie, désespérément. Le mois de juin a beau se profiler, la question éruptive du maintien des élections régionales au printemps n’a toujours pas été tranchée. C’est le sens du débat organisé ce mardi 13 avril à l’Assemblée nationale, puis mercredi au Sénat, où les causementaires sont appelés à se prononcer pour ou contre la tenue du scrutin dans les conditions préconisées par le Conseil scientifique à la fin du mois de mars.

Prévu pour aiguiller le gouvernement, ce vote consultatif va venir s’ajouter à la liste des avis déjà nombreux demandés par le gouvernement. Car s’il est accusé de piloter seul la crise sanitaire, l’exécutif consulte à tout va pour ce qui est des régionales.

Une façon de chercher un consensus difficile à trouver, sur une décision qui peut être mauvaise dans tous les cas. Ou au moins, susceptible de provoquer son lot de réprobation, quelle que soit sa nature. En cas de report, le gouvernement sera accusé de mettre la démocratie sous cloche pour, pourquoi pas, retarder une nouvelle débâcle électorale. S’il maintient la date du scrutin au mois de juin prochain, l’option privilégiée à ce stade selon les mots de Jean Castex prononcés le 1er avril devant les sénateurs, il prendrait le risque de voir les Français massivement déserter les bureaux de vote par crainte de l’épidémie. 

Le spectre des municipales 2020

Le tout un an après des élections municipales qui ont laissé des traces sur le terrain politique et judiciaire. Au printemps 2020, l’exécutif ne s’était pas embarrassé de tant de consultations et le maintien du scrutin local s’était fait dans un brouillard relativement épais. Après avoir pris le pouls des différents partis d’opposition, et du Conseil scientifique, le gouvernement avait décidé de confirmer la date du dimanche 15 mars malgré la fermeture, la veille, samedi, de tous les lieux accueillant du public pour endiguer la 1ère vague de Covid. 

De quoi provoquer l’incompréhension d’une bonne partie des personnels de l’hôpital, déjà confrontés aux affres du virus, et des responsables politiques nationaux, comme locaux. “N’allez pas voter”, insistait par exemple le médecin Rémi Salomon, président de la commission médicale d’établissement de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (APHP) -sorte de porte-parole des soignants parisiens- sur Twitter, quelques minutes seulement avant l’ouverture des bureaux de vote.

Résultat des opérations: un taux d’abstention record, le deuxième tour retardé et une flopée de plaintes en justice. Outre le fait que plus d’un électeur sur deux ne s’était pas déplacé, provoquant de nombreuses questions sur la légitimité des équipes élues, la contestation du choix gouvernemental s’était déplacée sur le terrain judiciaire. La Cour de justice de la République a ouvert une enquête le 7 juillet 2020 “pour abstention de combattre un sinistre” visant Édouard Philippe, Olivier Véran et Agnès Buzyn.

De quoi expliquer les réticences du gouvernement, douze mois plus tard? Ces considérations semblent en tout cas présentes dans la tête d’Emmanuel Macron au moment de trancher la question. “Depuis le début, le président a une hésitation sur la date. Il ne veut pas retomber dans le piège de mars 2020. Il y a encore un trauma des municipales qu’il avait maintenues sous la pression d’Édouard Philippe ”, confesse un conseiller ministériel au Parisien.

Patate chaude

Alors cette fois-ci, l’exécutif brasse large pour légitimer sa décision, partager son poids politique, et ainsi trouver une porte de sortie. Après avoir décidé, à l’automne, un 1er report de mars à juin, suivant les recommandations de l’ancien président du Conseil constitutionnel Jean-Louis Debré, qui lui-même fondait son avis sur une large consultation des partis politiques, le Premier ministre a longtemps expliqué qu’il s’en remettrait aux préconisations du Conseil scientifique. 

Il s’agissait même d’une clause de revoyure actée dans la loi de report adoptée à l’hiver. Raté. Jean-François Delfraissy et ses collègues n’ont pas voulu trancher dans leur rapport publié le 29 mars dernier, laissant le soin et la responsabilité au pouvoir de faire ce choix ”éminemment politique.” Habile pour les scientifiques mais fâcheux pour le gouvernement qui a dû récupérer la patate chaude.

Depuis, l’exécutif multiplie les discussions. Après avoir demandé, à nouveau, l’avis des différents partis la semaine dernière, Jean Castex a fait parvenir ce week-end une lettre à tous les maires du territoire, via les préfets, pour recueillir leurs opinions. En clair, tous avaient jusqu’à lundi pour répondre “oui” ou “non” à la question de savoir si les conditions préconisées par le Conseil scientifique leur semblaient réunies pour tenir les deux scrutins les 13 et 20 juin.

Réponse: une courte majorité des édiles consultés se dit, comme leurs représentants, favorable au maintien du vote au printemps (56 contre 40%). Reste donc aux causementaires à entrer en scène ce mardi. De quoi les satisfaire, eux qui dénoncent leur mise à l’écart depuis le début de la crise sanitaire? Pas tout à fait, car beaucoup accusent le gouvernement de vouloir au mieux se défausser, au pire de tenter de manipuler les résultats qui ne devraient pas être positifs pour Emmanuel Macron et ses troupes.

Il faut dire que dans leur très grande majorité, les personnalités politiques, des élus locaux aux responsables nationaux, de tous bords confondus, sont favorables à un maintien du scrutin. Chauffées à blanc, les oppositions sont même en train de perdre patience face aux atermoiements de l’exécutif. À tel point que le sondage express auprès des maires a provoqué un début de tollé.

“Peur du verdict des urnes”?

Dans un communiqué commun et virulent diffusé lundi 12 avril sous le nom de “Territoires unis”, l’Association des maires de France (AMF), l’Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France ont accusé le gouvernement “d’avoir peur du verdict des urnes”. “Ce qui se joue, en réalité, sur le dos des maires et sous le prétexte de la situation sanitaire, c’est le report des élections locales après les présidentielles et législatives car elles seraient des ‘élections non essentielles’”, déplorent les trois principales associations d’élus, menées par des personnalités Les Républicains.

Plus globalement, la droite, dont certains ténors veulent faire des régionales un tremplin avant la présidentielle, ne retient plus ses coups. Xavier Bertrand est l’un d’entre eux. “On ne va pas nous faire la différence entre les élections essentielles et celles qui ne le sont pas”, martelait le président des Hauts-de-France, lundi 12 avril sur BFMTV. Et le candidat déclaré pour 2022 d’ajouter, en forme d’avertissement: “le président de la République, c’est la clé de voûte des institutions, c’est le garant de la vie démocratique, il doit s’assurer (...) que personne ne se livre à de misérables petits calculs politiques si jamais ça en tentait certains.”

À l’échelle des partis, seul le MoDem de François Bayrou prône le report des élections locales à l’automne 2021. Et dans le détail, force est de constater que les divisions sont surtout internes à la majorité. Stanislas Guérini, Christophe Castaner ou les rares ministres qui s’expriment, poussent pour un scrutin au mois de juin prochain, à l’image du député de Paris Hugues Renson, lequel faisait valoir lundi sur les réseaux sociaux, que de nombreuses autres démocraties ont fait le choix de voter ces derniers mois malgré la pandémie de coronavirus.

Mais tous ne sont pas aussi convaincus parmi les proches du président de la République. Richard Ferrand, le président de l’Assemblée nationale, plaide, à rebours de son parti, pour un report au “tout début du mois d’octobre 2021.” “Nous pourrions ainsi bénéficier pleinement des effets de la vaccination de la moitié de nos compatriotes dès la fin de l’été (...) et offrir à tous les candidats la possibilité de mener une campagne électorale normale”, faisait valoir l’élu du Finistère dans une lettre envoyée à Jean Castex jeudi 8 avril, inquiet de l’accroissement de “ce qu’il est convenu d’appeler la ‘prime au sortant’” alors que la campagne électorale sera dure à mener par temps de pandémie.

De son côté, François Bayrou n’hésite pas à agiter le souvenir douloureux du printemps dernier. “On a vécu au 1er tour des élections municipales un drame dans lequel nous connaissons, je connais des femmes et des hommes qui ont contracté la maladie, qui sont morts, et certains étaient mes amis”, expliquait-il sur franceinfo, lui aussi le 8 avril dernier, en poussant pour un report “après l’été”, comme la majorité des Français selon un sondage Odoxa pour Le Figaro publié le 25 mars dernier.

Voilà donc l’équation complexe à résoudre pour le gouvernement, pris en étau entre les impératifs démocratiques, les attentes de l’opposition, les inquiétudes sanitaires ou les doutes de certains quant à la possibilité de faire campagne. Autant de questions qui auraient pu être évitées avec la mise en place de différents modes d’expression, comme le vote par correspondance, à en croire plusieurs élus de différentes sensibilités. Une éventualité balayée d’un revers de la main par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin en novembre dernier à l’Assemblée nationale, lequel vantait le choix ”de l’isoloir, de l’urne et des préaux d’écoles.”

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