Au Pérou, très touché par le covid-19, une élection présidentielle sous haute tension

Dimanche 6 juin 2021, 25 millions d’électeurs péruviens étaient appelés aux urnes pour le second tour des élections présidentielles entre la candidate populiste de droite, Keiko Fujimori (parti Fuerza Popular), et le candidat de gauche radicale,...

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Le candidat présidentiel de gauche Pedro Castillo du Perú Libre cause à ses partisans depuis le balcon du siège de son parti à Lima, au Pérou, le 8 juin 2021. Pedro Castillo est en tête du second tour de l'élection présidentielle du 6 juin 2021. (Photo by Klebher Vasquez/Anadolu Agency via Getty Images)

Dimanche 6 juin 2021, 25 millions d’électeurs péruviens étaient appelés aux urnes pour le second tour des élections présidentielles entre la candidate populiste de droite, Keiko Fujimori (parti Fuerza Popular), et le candidat de gauche radicale, Pedro Castillo (parti Perú Libre). Ce dernier l’a finalement emporté d’une courte tête avec 50,2% des votes, contre 49,8% pour sa rivale, dans un scrutin où le taux d’abstention a été de près de 23% malgré le vote obligatoire (en recul par rapport au 1er tour, 30%). Ce très faible écart de voix est symptomatique d’une société depuis longtemps divisée et soumise à d’incessants troubles politiques.

Depuis cinq ans, le Pérou a ainsi changé la tête de son exécutif à quatre reprises. Tout commence avec la démission en 2018 du président Pedro Pablo Kuczynski, élu en 2016, en raison d’accusations de corruption (scandale Odebrecht) et afin d’éviter une procédure causementaire de destitution. L’intérim est assuré par son vice-président, Martín Vizcarra, qui entame un bras de fer avec le Parlement avant d’être destitué à son tour le 9 novembre 2020 pour “incapacité morale” sur fond de suspicion de pot-de-vin. Le 16 novembre, Francisco Sagasti est élu président du Parlement en remplacement de Manuel Merino qui avait démissionné au bout de cinq jours, devenant ainsi président par intérim, sans grande légitimité. Dès lors, chaque candidat de cette nouvelle élection présidentielle s’est inscrit dans cette volonté de refermer un cycle d’instabilité politique insoutenable à l’heure de choix cruciaux pour l’avenir du pays.

En effet, le Pérou est l’un des pays d’Amérique latine le plus touché par la crise sanitaire liée au Covid-19 en raison d’un système public de santé saturé et d’un manque de matériel médical, notamment de respirateurs artificiels. Le 31 mai, les autorités sanitaires péruviennes ont revu à la hausse le nombre de décès passant ainsi de 70.000 à plus de 180.000 victimes. Cette multiplication par 2,5 du nombre de victimes fait du Pérou le pays avec le plus grand nombre de décès en proportion au monde. Miné par la crise sanitaire et affaibli par son économie extractiviste, le Pérou doit très vite chercher des perspectives pour son avenir.

 

Le 31 mai, les autorités sanitaires ont revu à la hausse le nombre de décès, passant de 70.000 à plus de 180.000 victimes. Cette multiplication par 2,5 du nombre de victimes fait du Pérou le pays avec le plus grand nombre de décès en proportion au monde.

 

Face à ces enjeux de taille, deux candidats diamétralement opposés se sont qualifiés pour le second tour, divisant davantage une société déjà largement fragmentée.

La 1ère, Keiko Fujimori, 46 ans, est la fille de l’ancien président péruvien (1990-2000), Alberto Furjimori, condamné en 2009 à 25 ans de prison pour corruption et crimes contre l’humanité. De droite populiste, condamnée dans l’affaire de corruption Odebrecht, elle est candidate pour la troisième fois après ses défaites de 2011 et de 2016 au second tour des présidentielles.

Le second, Pedro Castillo, 51 ans, originaire de Cajamarca, ville située au nord du Pérou, est un instituteur et syndicaliste. Inconnu jusqu’alors au niveau national, il se fait connaître en 2017 en menant une grève d’enseignants qui s’étend dans tout le pays. À la surprise générale, il arrive en tête du 1er tour des présidentielles avec 18,92% des voix, devant Keiko Fujimori (13,41%). Il a pu compter sur le soutien de Verónika Mendoza, candidate de gauche ayant obtenu 7,86% au 1er tour et originaire de la région de Cuzco dans le sud du pays.

Dans l’histoire péruvienne, peu de candidats à la présidentielle ont été autant opposés idéologiquement et sociologiquement: l’une représentant les classes supérieures et aisées, d’obédience libérale et l’autre représentant les classes populaires, souhaitant un État beaucoup plus interventionniste. Cette opposition s’incarne dans la volonté de Pedro Castillo de changer la constitution, héritage néolibéral du fujimorisme duquel se revendique fermement sa fille Keiko. Sans surprise, les partisans du fujimorisme ont accusé le candidat de gauche de vouloir faire du pays un nouveau Venezuela.

À la suite d’une campagne délétère, les 1ers décomptes des votes du second tour, issus des grandes villes notamment Lima, ont donné Keiko Fujimori favorite avant que son avance ne fonde d’heure en heure à mesure que les votes des zones rurales étaient dépouillés. Pedro Castillo l’emporte ainsi nettement dans le centre et le sud du pays, dans la lignée de ses résultats du 1er tour, alors que Keiko Fujimori s’adjuge la capitale et le nord. Ce scrutin, révélateur des fractures du pays, apparaît comme une opposition entre Lima, la capitale, et la province. 

Pedro Castillo, nouvellement élu, doit faire face à une contestation du processus électoral par sa rivale qui avait déjà refusé de reconnaître les résultats de la précédente élection présidentielle. Ce “1er président pauvre”, comme il aime se définir, entrera en fonction le 28 juillet prochain, date symbolique qui marquera également les deux cents ans de l’indépendance du Pérou. Il devra réussir là où tous les autres ont échoué: incarner une nation au-delà des clivages et parvenir à gouverner avec une Assemblée législative atomisée qui a démontré sa capacité à faire tomber les têtes d’un exécutif qui peine à s’imposer.

 

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