Jazz sous les pommiers : une cuvée 2024 grisante et sans grisaille

Ouvrant la riche saison des festivals de jazz en France, Jazz sous les pommiers se déroule sur une semaine entière autour du jeudi de l’Ascension et déploie une foisonnante offre musicale à travers Coutances. Réparti dans plusieurs salles,...

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Ouvrant la riche saison des festivals de jazz en France, Jazz sous les pommiers se déroule sur une semaine entière autour du jeudi de l’Ascension et déploie une foisonnante offre musicale à travers Coutances. Réparti dans plusieurs salles, le plantureux programme “in” (payant) se double d’un généreux “off” (gratuit), qui circule de rues en places, de squares en terrasses. Lancé en 2023, l’événement Jazz in Bars propose une série spécifique de concerts gratuits dans des bars partenaires.

S’ajoutent des spectacles de rue, des projections de films (cette année, par exemple, les documentaires de Mathieu Amalric consacrés à John Zorn), des expositions, des conférences et des impromptus divers. Autant dire qu’il y a largement de quoi glaner sous les pommiers. Une belle effervescence règne ainsi jusque tard le soir, les réjouissances s’achevant la plupart du temps au Magic Mirrors, chapiteau dressé au pied de l’imposante cathédrale gothique qui domine la ville et fait office de parfait point de repère.

Lives solaires

Composante essentielle et incontrôlable, la météo a clairement joué en faveur de l’édition 2024, dont la majeure partie s’est déroulée sous le soleil. Quant à la musique, reflétant une acception extensive de l’appellation jazz, elle a procuré d’étincelants moments tout au long du festival. L’un de ces moments a été offert par le tromboniste Robinson Khoury, figure montante de la scène jazz française (il n’a pas encore 30 ans) et l’un des deux artistes accueillis en résidence longue durée – depuis janvier – dans le cadre du festival, l’autre étant Marion Rampal. Installé au centre du grand plateau du Théâtre municipal de Coutances, alternant entre trombone et synthé modulaire, il a proposé ici la 1ère restitution live de Mÿa, son nouveau projet porté en trio avec la percussionniste Anissa Nehari et le pianiste Léo Jassef.

En oscillation continue entre jazz, electro et sonorités du Moyen-Orient (perceptibles notamment au niveau des parties rythmiques, très inventives), leur musique dessine des formes métissées captivantes. Le vif éclat suggestif du concert a encore été rehaussé lors des deux apparitions lumineuses de la chanteuse Lynn Adib (membre du duo Bedouin Burger, entre autres). Enregistré en janvier au Studio Pigalle, à Paris, un album lié à ce projet – que traverse également, sur un morceau, la voix de Natacha Atlas – va sortir mi-juin.

Dans une sphère proche, Le Cri du Caire – groupe dont Abdullah Miniawy (chant, textes, composition), Peter Corser (saxophone) et Karsten Hochapfel (violoncelle) constituent le noyau dur – a retenti dans l’enceinte intimiste tout à fait adéquate d’une petite salle de cinéma. Au croisement de l’Occident et de l’Orient, leur musique adopte les atours, libres et mouvants, d’un jazz contemporain arabisant porté par les incantations profondes d’Abdullah Miniawy.

Poésie viscérale

Déjà vibrante sur disque, comme on peut le vérifier à l’écoute de leur très bel album sorti en janvier 2023 (conçu avec un illustre quatrième acolyte, Érik Truffaz, à la trompette), elle a semblé atteindre sa quintessence sur scène, déployant un lyrisme plus contenu sans rien perdre de sa spiritualité ardente ni de sa poésie viscérale. Relié par une connexion intime entre le chanteur et les deux instrumentistes, le trio a été rejoint dans la seconde partie du concert par Robinson Khoury (il n’y a pas de hasard), en parfaite osmose sensible avec ses partenaires.

Un autre éblouissement majeur a été causé par le quintette de Vincent Courtois (violoncelle), dans lequel jouent également Sophie Bernardo (basson), Robin Fincker (clarinette, saxophone ténor), Janick Martin (accordéon), François Merville (batterie). La simple indication de l’instrumentation donne déjà une idée de la (haute) singularité de la formation.

Agilité aérienne

Naviguant principalement entre jazz et musique de chambre, en intégrant aussi des effluves d’airs traditionnels bretons, ce quintette hors normes est venu ici faire jaillir une musique composée à l’origine pour un ciné-concert en accompagnement de Finis Terrae (1928), film de Jean Epstein dont l’action se déroule sur la côte bretonne, au large d’Ouessant. Publiée sous forme d’un album au printemps 2023, elle vit désormais de sa propre vie sur scène, sans le film, et dévoile une intense beauté évocatrice, jamais ostentatoire, pleine de reliefs et de contrastes. Si les cinq instrumentistes rivalisent de prestance, le batteur François Merville, d’une aérienne agilité expressive, attrape particulièrement l’œil et l’oreille.

Terminons avec un (nouveau) groupe au moins aussi atypique : Les Ombres de la Bête. Impulsé en 2019 par François Robin (veuze, violon) et Mathias Delplanque (électronique), le projet – qui s’est d’abord appelé L’Ombre de la Bête – a pour objectif d’emporter la veuze (sorte de cornemuse du pays nantais) hors du répertoire folklorique vers le champ de l’électronique. De leurs 1ères expérimentations témoigne un remarquable album, L’Ombre de la bête, paru en 2022.

Langage hybride augmenté

Suite à l’arrivée de Morgane Carnet (saxophones) et de Dylan James (contrebasse), le duo s’est mué récemment en un quatuor. Rebaptisé Les Ombres de la Bête, le groupe cultive un langage hybride augmenté – quelque part entre electro/techno, free-jazz et musique traditionnelle vendéenne – et s’oriente maintenant résolument vers le dancefloor. De fait, très stimulante pour l’esprit, leur musique l’est tout autant pour le corps.

Programmé après minuit à Coutances, dans l’antre du Magic Mirrors, leur concert a mis le public en transe avec des morceaux aussi inclassables que vibrants. Souvent fusionnelle, la liaison entre les différents éléments sonores a paru moins fonctionner seulement durant quelques brefs passages. Tout jeune, pouvant encore gagner en cohésion, le quatuor a une évidente marge d’évolution : voilà qui nous promet de futurs grands frissons dans la nuit.