La panne d'Orange aurait-elle été moins grave avec un numéro unique d'urgence?

SANTÉ - “Ce quinquennat doit être aussi l’occasion (...) de mettre en place des plates-formes uniques de réception des appels d’urgence.” Ces mots, ce sont ceux prononcés en octobre 2017 par un Emmanuel Macron fraichement élu. Mais quatre ans...

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Photo d'illustration d'un véhicule des pompiers en Allemagne, prise le 28 avril 2021.

SANTÉ - “Ce quinquennat doit être aussi l’occasion (...) de mettre en place des plates-formes uniques de réception des appels d’urgence.” Ces mots, ce sont ceux prononcés en octobre 2017 par un Emmanuel Macron fraichement élu. Mais quatre ans plus tard, la panne d’Orange mercredi 2 juin a, malgré elle, mis en lumière l’existence des quatre numéros d’urgence toujours plébiscités. Et a relancé le débat sur la mise en place d’un numéro unique qui n’est toujours pas tranché.

En cas d’urgences, les Français peuvent composer: le 15 pour le Samu, le 17 pour Police Secours, le 18 pour les sapeurs-pompiers. Sans oublier le 112, “le numéro d’appel d’urgence européen unique, disponible gratuitement partout dans l’Union européenne.”  Ce 112 n’est pas l’équivalent du “911” américain. Il “ne remplace pas les numéros d’urgence nationaux existants. Dans la plupart des pays, il cohabite avec ceux-ci”, rappelle le gouvernement sur son site. 

C’est donc le cas en France, au grand dam de certains professionnels du secteur qui défendent un “numéro d’appel unique d’urgence”, tandis que d’autres y sont farouchement opposés. Et les deux camps se répondent depuis 24h pour savoir si oui ou non la panne d’Orange aurait été plus simple à gérer s’il n’y avait qu’un seul numéro existant. 

Éviter la crise?...

Les numéros d’appel d’urgence permettent de joindre gratuitement les secours publics en permanence. “Ce sont des lignes dédiées, circulant sur les mêmes câbles et mêmes réseaux que tout un chacun, avec un acheminement prioritaire vers les centres d’appels”, explique à l’AFP le Colonel Grégory Alione, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF).

À condition que les routeurs des opérateurs téléphoniques - les équipements chargés de détecter l’origine de l’appel, de “déterminer sa priorité” et de l’acheminer en urgence vers le centre le plus proche- soient opérationnels.

Sauf que la panne a justement concerné un des ces ”équipements critiques, a détaillé Stéphane Richard, PDG d’Orange, au JT de 13H de TF1. Selon lui, “la cause racine” de la panne était “probablement une défaillance logicielle dans (les) équipements critiques de réseaux.” Ces défaillances ont touché l’intégralité des six sites en même temps. “Cela n’est jamais arrivé, c’est un incident effectivement grave, rarissime.”

Avoir un seul numéro d’appel, et donc une seule ligne, n’aurait donc pas forcément permis d’éviter cette “défaillance”, comme le reconnait volontiers Gary Machado, directeur de l’association européenne du numéro d’urgence unique, qui rappelle que le système unique n’aide pas à prévenir les pannes. 

En revanche, le numéro unique aurait permis mieux la gérer, selon lui. 

...ou mieux la gérer?

Une fois la panne détectée, chaque préfecture a mis en place un numéro alternatif pour pallier le 15, le 17 ou le 18. “Chercher le bon numéro parce que vous n’arrivez pas à joindre le 15, le 18, que ça ne répond pas, au-delà de l’angoisse, c’est une perte de chance pour le patient”, estime sur franceinfo Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France.

Le directeur de l’association européenne du numéro d’urgence unique est sur la même ligne et cite en guise de contre-exemple un précédent néerlandais:  “Il y a eu le même problème technique aux Pays-Bas il y a deux ans. Dans le système intégré et national des Pays-Bas, on peut communiquer sur un seul numéro de remplacement, c’est beaucoup plus lisible qu’en France. Hier les pompiers et les SAMUS ont communiqué sur les réseaux sociaux des numéros à 10 chiffres, différents selon les départements”, explique-t-il à l’AFP.

Sur Twitter, l’Association Nationale des Directeurs et directeurs adjoints des Services d’Incendie et de Secours avance un autre argument logistique pour les services de secours: ″Être dans une salle commune de prises d’appels aurait pu nous permettre de décider ensemble des mesures à prendre. La crise, cela impose de l’interservices, pas de l’individualisme”. Elle répondait ainsi à Patrick Goldstein, chef du pôle urgences et du Samu du Nord au CHU de Lille, qui réaffirmait son opposition à la mise en place de ce numéro unique. 

Un risque de saturation?

Car derrière le 112, il y a toute une guerre interne entre les professionnels de l’urgence. Depuis plusieurs années, les pompiers réclament la mise en place du 112 comme seul numéro pour les appels d’urgence, ainsi qu’une “plateforme téléphonique commune avec les forces de l’ordre et le Samu”, pour reprendre les mots du colonel Grégory Allione, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF).

De leur point de vue, la panne d’Orange n’a fait qu’illustrer ce besoin. Dans un communiqué, la FNSPF a insisté sur la nécessité de rénover “notre système d’alerte” et “d’éviter de mettre l’urgent comme le non-urgent dans le même tuyau”. Comprendre, faire un numéro commun à toutes les urgences médicales, distinctes de celles de la police par exemple. Cela signifierait concrètement la disparition du “18” des pompiers et du “15”, le numéro du Samu, au profit du 112.

Mais une partie des soignants en milieu hospitalier y est opposée. Et la panne est là aussi citée comme argument, avec par exemple le risque de saturation possible avec un numéro unique. “Je pense que ça aurait été pire. Si on avait un seul numéro et une seule plateforme, elle aurait été définitivement par terre”, a affirmé sur BFMTV Patrick Goldstein, chef du pôle urgences et du Samu du Nord au CHU de Lille. Les 1ères observations ont montré que les services n’étaient pas injoignables, même s’il fallait réitérer l’appel pour espérer avoir quelqu’un au bout du fil.

“Le “numéro unique d’appel d’urgence” rime avec “perte de chance” pour le patient et “désorganisation de toute la chaîne hospitalière”, alertait déjà le 23 mai François Braun, président du syndicat Samu-Urgences de France pour qui le 15 “est une petite pépite qu’il ne faut pas perdre”.

Vers une expérimentation du n° unique?

Cette mise en garde antérieure à la panne était motivée par le vote unanime de l’Assemblée nationale - avec le soutien du gouvernement - le même jour pour une expérimentation de numéros simplifiés dans plusieurs régions. 

Le texte, préparé par le député LREM Fabien Matras, prévoit trois types d’expérimentation: un rapprochement de “l’ensemble des services” (numéro 15, 17 et 18), un rassemblement sans “police-secours” (15 et 18), ou un simple “regroupement” du Samu et des médecins de garde en lien avec les autres services d’urgence (15 et permanence des soins). Objectif: “simplifier la vie des Français”, comme l’a répété Fabien Matras. 

Depuis la Tunisie où il se trouve pour un déplacement, le Premier ministre Jean Castex a appelé à “tirer toutes les conséquences” de ces  “dysfonctionnements graves”.

La porte-parole du ministère de l’Intérieur, Camille Chaize, a elle précisé sur BFMTV que la panne pouvait être “l’occasion de revoir le dispositif de numéros d’urgence pour qu’il soit plus simple et lisible pour le grand public”. La position du gouvernement est on ne peut plus claire. Reste donc à savoir quelle direction prendra le Sénat, qui doit se prononcer sur l’expérimentation du numéro unique d’urgence. 

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