“Les Prières de Delphine” : un portrait intime et douloureux de femme exilée

C’est en mai dernier, du côté de la Quinzaine des cinéastes, que l’on découvrait le cinéma de Rosine Mbakam. Dans Mambar Pierrette, la cinéaste camerounaise installée en Belgique y brosse le portrait d’une couturière vivant à Douala et dessine,...

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C’est en mai dernier, du côté de la Quinzaine des cinéastes, que l’on découvrait le cinéma de Rosine Mbakam. Dans Mambar Pierrette, la cinéaste camerounaise installée en Belgique y brosse le portrait d’une couturière vivant à Douala et dessine, à travers elle, les contours d’une généalogie intime et politique d’une communauté de femmes.

Une énergie proche traverse Les Prières de Delphine, qui adopte un dispositif semblable – cette rencontre vertueuse entre espace domestique et parole –, marque de fabrique sensible et politique de la cinéaste de 43 ans. À l’image, Delphine, héroïne exilée, désaxée, meurtrie dès son plus jeune âge par la violence, les viols, la prostitution et une vie impossible à vivre, retrace le fil de son histoire.

Ce qu’elle explique dans la douleur, avec les pleurs et parfois ce léger sourire ironique de celles et ceux qui ont tout vu, tout vécu, ne cesse d’être replacé, envisagé dans un rapport de domination perpétuelle des hommes sur les femmes, des Blanc·hes sur les Noir·es, sans que jamais le film ne cherche à produire de discours sur le dos de son interprète et lui préfère l’élégie sublime de ces prières sans réponses.

Ce qu’il montre, dans sa partie plus psychanalytique, méta, secrète, c’est une femme, et avec elle le souvenir d’autres (“ton courage nous oblige à voir celles qui déambulent ici et ailleurs”), qui ne peut plus se lever, ne peut plus quitter son lit dans lequel niche son corps en lambeaux, enveloppé dans des couvertures comme de nouvelles peaux sur lesquelles rien n’a de prise.

Dans son appartement bruxellois, où parfois se font entendre les mots de sa fille, préservée en hors-champ de la violence qui se joue dans l’image, Delphine reste assise ou couchée. Devant elle, autour d’elle, une multitude d’objets, de lampes et autres bibelots semblent faire tenir les murs fragiles de la maison et viennent obstruer le cadre, brouiller l’accès à son visage. Delphine se dévoile à son amie dans ce qu’elles aiment appeler à deux un journal de bord.

Ce journal intime et universel réfléchit davantage à achever cette paralysie qu’à faire éclore une parole, qui a de toute évidence la confiance absolue d’une amie-cinéaste en moteur. À Rosine Mbakam alors de filmer le repos tétanisant de cette guerrière puis son réveil comme un miracle, une libération.

 

Les Prières de Delphine de Rosine Mbakam (Bel., 2021, 1 h 30). En salle le 31 janvier.