Ni infirmières, ni médecins, les sages-femmes voudraient être reconnues et valorisées - BLOG

SANTÉ - “80% des femmes considèrent que, dans le monde du travail, elles sont régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes”. Le sexisme est présent dans le quotidien des femmes, que ce soit dans la vie personnelle, la...

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Je suis sage-femme. J’ai donc le droit de prescription et je suis autonome dans mon champ de compétences. Le mien? Le suivi gynécologique et obstétrical des femmes en bonne santé. Nous sommes les “gardiennes de la physiologie”. C’est-à-dire que nous pouvons suivre une femme, tout au long de sa vie, sur le plan gynécologique: prescription et pose de tous les moyens de contraceptions, IVG médicamenteuses, frottis, etc.

SANTÉ - “80% des femmes considèrent que, dans le monde du travail, elles sont régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes”. Le sexisme est présent dans le quotidien des femmes, que ce soit dans la vie personnelle, la vie professionnelle, dans la rue ou encore dans les médias. Il a une fonction de disqualification des femmes et agit sur elles pour les délégitimer, les inférioriser, voire leur faire subir des violences, parce qu’elles sont des femmes.  

Luttant pour l’égalité homme-femme depuis l’enfance, j’ai choisi de devenir sage-femme, afin d’acquérir du savoir sur le corps des femmes, qui reste malheureusement trop peu connu et souvent tabou dans notre société. Ayant réalisé mon mémoire de fin d’études sur la question, j’ai réalisé qu’une bonne connaissance de notre corps augmente notre estime de soi, et donc constitue une arme pour faire face aux préjugés et stéréotypes à l’égard des femmes. 

Écouter, informer, conseiller… Notre métier est une véritable ressource pour lutter contre le dénigrement et la dépossession du corps des femmes en général. 

5 ans d’études supérieures

Je me suis donc lancée dans la grande aventure sage-femme, en intégrant la PACES (première année commune aux études de santé). Taux de réussite? 20% à peine. Il fallait être (très) motivé, mettre entre parenthèses toute vie sociale. Mais à la fin, elle donnait accès au Graal: faire partie des 3 professions médicales définies par le Code de la Santé publique: médecin, chirurgien-dentiste et sage-femme. 

Au terme de cinq années d’études supérieures extrêmement éprouvantes (ne plus avoir de vacances, être rémunéré seulement à partir de la 4e et 5e année à raison de moins de 200 euros par mois; être en décalage avec les autres étudiants: gardes de nuit, de week-end, etc.), j’ai été diplômée en juin 2020. J’ai moins d’un an de diplôme et pourtant je suis fatiguée. Fatiguée de ce manque de reconnaissance constant. Fatiguée de devoir sans cesse me répéter, que non, je ne suis pas infirmière. Ni médecin. Je suis sage-femme. J’ai donc le droit de prescription et je suis autonome dans mon champ de compétences.  

Le mien? Le suivi gynécologique et obstétrical des femmes en bonne santé. Nous sommes les “gardiennes de la physiologie”. C’est-à-dire que nous pouvons suivre une femme, tout au long de sa vie, sur le plan gynécologique: prescription et pose de tous les moyens de contraceptions, IVG médicamenteuses, frottis, etc. Et également bien sûr, sur le plan obstétrical: suivi de la femme enceinte en bonne santé, préparation à la naissance, accouchement normal, suivi postnatal, rééducation du périnée. Dès lors que nous diagnostiquons une pathologie, nous adressons la femme à un gynécologue ou obstétricien. Nos deux professions sont donc complémentaires. 

Le suivi des femmes en bonne santé 

Quand j’entends encore à la télévision, à la radio, aux heures de grande écoute, des femmes se plaignant du délai pour obtenir un rendez-vous chez leur gynécologue pour la prescription de leur pilule ou pour leur suivi annuel, je n’arrive pas à comprendre pourquoi, jamais, nous ne sommes citées. Pourquoi notre rôle dans cette prise en charge est toujours ignoré, passé sous silence?  

Pourtant, la Cour des comptes recommandait en 2011 que nous soyons les professionnelles de première ligne pour le suivi gynécologique et obstétrical des femmes en bonne santé. 

Nous souffrons depuis toujours d’un manque de reconnaissance auprès de la population et même jusqu’aux pouvoirs publics, qui nous ont maintes fois oubliées pour les décrets et dispositions urgentes (comme le Ségur pour ne citer que lui). Ainsi, nous sommes souvent rangées dans la case: profession paramédicale et sages-femmes. Nous sommes payées à BAC + 5 en début de carrière à l’hôpital 1700 euros, avec des gardes de jour, de nuit, de week-end, de jours fériés. Nous avons sans cesse la vie de 2 personnes entre nos mains à l’hôpital: la mère et l’enfant. Nous sommes autonomes dans la physiologie, analysons le rythme de votre bébé, vos bilans biologiques, surveillons le travail, pratiquons l’accouchement, la délivrance, les sutures. Seules. Nous occupant parfois de plus de 3 patientes en même temps, nous n’avons aucun droit à l’erreur.  

Non, nous ne sommes pas les gentilles dames en roses qui assistent le médecin.

Il faut aussi se faire à l’idée qu’être sage-femme, ce n’est pas si beau qu’on le croit: c’est également pratiquer l’accouchement de bébés décédés, d’annoncer à des femmes que leur grossesse est interrompue, de diagnostiquer une urgence vitale, de s’occuper d’hémorragies de la délivrance, de pratiquer des réanimations de nouveau-nés, et j’en passe. 

Mais alors pourquoi sommes-nous la seule profession médicale aussi peu reconnue, aussi peu rémunérée? 

Selon une étude de l’INSEE en 2020, l’écart de salaire en équivalent temps plein entre les sexes augmente nettement avec le niveau de diplôme: il s’élève à 29,4% pour les titulaires d’un Bac + 3 ou plus.  

Y a-t-il un rapport entre le fait que nous soyons une profession très majoritairement féminine (à 98%), et que nos patientes soient uniquement des femmes? Sommes-nous victimes d’un sexisme d’État?  

Notre combat devrait, en vérité, être le combat de toutes les femmes. Nous exerçons toutes notre métier avec passion. Respecter la pudeur, demander le consentement, toujours. Avoir une oreille attentive, être à vos côtés dans les joies, mais aussi dans les pleurs. Nous nous battons chaque jour, contre l’horloge, contre une charge de travail grandissante, pour vous proposer un accompagnement digne et respectant au mieux vos demandes.

Or, nous sommes les oubliées du gouvernement

 Nous sommes des femmes, traitant des femmes. Et nous sommes méprisées, dévalorisées, oubliées.  

Nous avons été là, quand, jeune adolescente, vous êtes venues nous demander conseil pour la prescription de votre premier moyen de contraception. Nous avons été là, quand vous avez appris votre première grossesse. Nous avons été là, pour vous suivre, vous écouter, et vous prescrire chaque mois, ce dont vous aviez besoin. Nous avons réalisé vos échographies. Nous vous avons fait écouter le cœur de votre bébé pour la première fois. Parfois, nous avons aussi été là pour vous annoncer des nouvelles difficiles. Et puis nous avons été là, à votre accouchement. Seules. Nous avons continué d’être là après, à la maternité puis à votre domicile, pour votre suivi et celui de votre bébé. Nous nous sommes revues quelques semaines plus tard pour votre rééducation du périnée. Puis pour votre suivi gynécologique annuel. Nous avons été là, à chaque instant de votre vie de femme.   

À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars prochain, aidez-nous à nous battre pour nous permettre de continuer à être là, dans de bonnes conditions. Faisons de notre combat le combat de toutes les femmes.

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