Planter des arbres pour le climat est mauvaise idée (si on le fait mal)

CLIMAT- Planter des arbres est un business qui roule. Peugeot-Citroën, Toyota, Audi et une majorité des constructeurs automobiles compensent leurs émissions de carbone de la sorte. Chez Eurostar, on boise à “chaque train” qui traverse la manche....

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Les plantations d'arbres en monoculture sont plus sensibles aux feux de forêts. Elles peuvent aussi détruire la biodiversité et être contreproductives pour le climat, selon le GIEC et l'IPBES. 

CLIMAT- Planter des arbres est un business qui roule. Peugeot-Citroën, Toyota, Audi et une majorité des constructeurs automobiles compensent leurs émissions de carbone de la sorte. Chez Eurostar, on boise à “chaque train” qui traverse la manche. Shell cultive 5 millions d’arbres par an, rien qu’aux Pays-Bas, Enni ensemence l’équivalent de la Nouvelle-Aquitaine (8 millions d’hectares). Total injecte 90 millions d’euros dans le forestier.

Si bien qu’en 2021, il est difficile de trouver une entreprise qui n’arbore pas un bilan carbone ajusté grâce à des programmes de reforestation. Planter des arbres est un moyen peu coûteux de lutter contre le dérèglement du climat. Mais tout n’est pas vert. À outrance, cette pratique tue la biodiversité et pourrait même s’avérer contre-productive pour le climat, selon un rapport conjoint du GIEC et son équivalent pour la biodiversité, l’IPBES, publié ce jeudi 10 juin. 

“Mal utilisées, la reforestation et l’afforestation peuvent détruire les écosystèmes, la biodiversité qui y vit, réduire le stockage du carbone et créer des inégalités d’accès à la nourriture”, révèle ce rapport scientifique inédit intitulé “Biodiversité et changement climatique” qui réunit pour la 1ère fois les spécialistes mondiaux du climat et du vivant. Ce décloisonnement des domaines d’études était très attendu par les écologistes du monde entier qui y voient une approche capable de maximiser l’efficacité des mesures pour l’environnement. 

En mesurant l’impact sur la biodiversité des solutions destinées à enrayer le réchauffement climatique (capter le CO2, ou construire des centrales d’énergie renouvelable), les chercheurs se sont aperçus que certaines activités “vertes” pouvaient noircir le tableau. Parmi les pratiques à bannir, le boisement de très vastes espaces en monoculture- c’est-à-dire avec une seule variété- ou dans des territoires inadaptés à la afforestation.

Des entreprises peu regardantes

En effet, dans la course à la compensation carbone, certaines entreprises sont peu regardantes sur les endroits où poussent leurs “crédits carbone”- ainsi nomme-t-on la transaction qui vise à compenser les émissions de CO2. “Planter dans les savanes où il n’y a pas eu d’arbres depuis des centaines d’années, c’est extrêmement néfaste pour la biodiversité et probablement pas avoir tant d’effet sur le climat qu’escompté”, s’insurge auprès du HuffPost Paul Leadley, professeur à l’université de Paris Saclay et un des leaders de l’étude. 

Les zones de boisement les plus ambitieuses risquent d’entrer en compétition avec la faune et la flore déjà présentes, volant de précieuses ressources naturelles comme l’eau aux autres espèces. “Souvent, l’Eucalyptus est privilégié par les entreprises. Cette variété atteint sa maturité en 7 ans. C’est le plus rentable en termes de compensation carbone, mais il n’y a pas de miracle. Pour aller aussi vite, ces espèces boivent énormément”, s’insurge Sylvain Angerand, ingénieur forestier pour l’association écologiste Canopée.

Autre absurdité écologique: planter une seule espèce. Le rapport du Giec et de l’IPBES condamne les super-projets de la sorte. Ces plantations ne sont pas pérennes, elles sont très sensibles aux tempêtes, aux feux de forêt et aux maladies, de plus en plus fréquentes à cause du réchauffement climatique. Le comble ? “Certaines cultures utilisent des engrais et des pesticides nocifs pour les environnements”, pointe le rapport. Ainsi, les pires projets s’avèrent même contre-productifs, et empêchent la captation naturelle du CO2. 

Pourtant, le business des plantations d’arbres capteur de CO2 pourrait connaître une très forte croissance dans les prochaines années. En France, l’article 38 de la future loi Climat prévoit de rendre obligatoire la compensation des émissions de gaz à effet de serre des vols intérieurs via des puits de carbone naturels. 

L’arbre qui cache la forêt

Une disposition qui rend furieux certains écologistes, convaincus que la compensation carbone est un “leurre”. “Cette course à celui qui plante le plus d’arbres risque surtout d’éloigner les regards des enjeux de réductions des émissions et de changement de mode de vie”, poursuit Sylvain Angerand, ingénieur forestier pour l’association écologiste Canopée. 

Ainsi, Canopée et Greenpeace se sont insurgés contre le Global Forest Summit qualifié de “Greenwashing”, dans un communiqué commun. En mars dernier, ce sommet chapeauté par Emmanuel Macron a rassemblé le gratin de l’écologie politique française et européenne  (Barbara Pompili, Pascal Canfin) et des entreprises privées (AXA ou Hennessy) déterminées à planter des arbres pour sauver la planète. 

Si l’intention est louable, elle risque de ne pas suffire. “Planter des arbres pour limiter le réchauffement à 2°C (selon les objectifs de l’Accord de Paris) est peu réaliste d’un point de vue environnemental et sociétal, estiment l’IPBES et le Giec. Pour y arriver, il faudrait planter l’équivalent de presque de fois l’Inde. Une telle forêt serait un désastre écologique. ”La nature ne peut pas tout faire. La terre et l’océan font déjà beaucoup - ils absorbent près de 50 % du CO2 provenant des émissions humaines” rappelle Ana María Hernández Salgar, présidente de l’IPBES, dans un communiqué marquant la sortie de l’étude. 

Selon les scientifiques, planter des arbres est surtout utile lorsque cela sert à restaurer les écosystèmes et à les préserver. “L’idée, c’est de replanter des espèces locales, de recréer les forêts qui étaient là récemment”, souligne Paul Leadley, de l’université de Paris Saclay. Et ainsi créer des cercles vertueux. Une nature qui se porte bien capture plus de CO2. “Aujourd’hui, 15% des terres et 7,5% des océans sont des zones protégées. Il faudrait plutôt que ce soit 30 à 50% de la planète qui soit concernée” renchérit Hans Otto Pörtner, co chair of the Scientific Steering Committee. Préserver la biodiversité permet de sauvegarder la captation naturelle de CO2, ainsi la biodiversité et le climat sont deux crises indissociables, qu’il faut aborder de front, conclut le rapport. 

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