Pourquoi la France devrait maintenir l'IVG par téléconsultation au-delà de la pandémie - BLOG

FEMMES - En avril 2020, la France a autorisé l’IVG par téléconsultation jusqu’à 7 semaines de grossesse comme mesure temporaire en raison de la pandémie de Covid-19. La mesure a été adoptée au milieu du 1er confinement et a été justifiée selon...

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Cependant, malgré ces progrès, l’accès à l’IVG en France peut encore être problématique et tenace pour des raisons juridiques, institutionnelles ou personnelles.

FEMMES - En avril 2020, la France a autorisé l’IVG par téléconsultation jusqu’à 7 semaines de grossesse comme mesure temporaire en raison de la pandémie de Covid-19. La mesure a été adoptée au milieu du 1er confinement et a été justifiée selon les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les progrès dans le domaine de la télémédecine et la “forte mobilisation de l’établissement de santé dans la gestion de la crise et la nécessité de limiter les consultations dans les hôpitaux pour toute autre raison”. Cette mesure permettait aux femmes de prendre des rendez-vous en ligne, d’acheter des pilules abortives en pharmacie sur ordonnance (avec la mention “délivrance exceptionnelle”) et de gérer elles-mêmes leurs propres avortements à domicile avec la supervision à distance d’un médecin ou sage-femme.

Cette réforme a été possible grâce à de nombreuses recherches attestant de la sécurité et de l’acceptabilité de l’IVG par télémédecine, ainsi que le travail et le plaidoyer des organisations de la société civile. Plusieurs organisations non gouvernementales et les experts travaillant sur ce sujet soutiennent depuis longtemps que l’obligation de se rendre dans une clinique ou un hôpital pour une IVG au cours du 1er trimestre (12 semaines de grossesse) n’est pas médicalement nécessaire compte tenu de la sécurité des pilules abortives et rend l’accès l’IVG difficile pour plusieurs femmes. Aux États-Unis, où l’avortement reste un sujet controversé, l’IVG par télémédecine a été autorisée dans certains États pendant la pandémie comme mesure de sécurité, mais a été annulée sous peu par la Cour suprême en janvier 2021, suite à la nomination de Amy Coney Barret par le gouvernement Trump. Cette décision ne menace pas seulement l’accès des femmes aux soins de santé en pleine pandémie, mais apparaît également comme une décision politique pour contrôler et restreindre l’accès à l’avortement.

Une comparaison fréquente est souvent faite avec le Viagra, un médicament utilisé en cas de dysfonction érectile, pour montrer le biais et la nature politique dans la distribution restreinte de médicaments pour l’avortement médicamenteux. La Mifépristone, la 1ère pilule à prendre pour un avortement médicamenteux, s’est avérée six fois plus sûre que le Viagra. Alors que l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) impose une restriction sur les pilules abortives, obligeant les femmes à se rendre à la clinique où l’hôpital pour prendre la Mifépristone, aucune exigence de ce type n’est prévue pour le Viagra qui est disponible dans les pharmacies sur ordonnance. Lorsque le Viagra reste facile à accéder pour les hommes, les pilules abortives ne sont pas et les femmes ne peuvent y accéder que par l’intermédiaire d’un médecin dans une clinique ou un hôpital.

De l’autre côté du spectre, alors que la pandémie se poursuit, l’IVG par téléconsultation est toujours offerte en France et également au Royaume-Uni. Une étude récente menée au Royaume-Uni montre que la télémédecine a facilité l’accès à l’IVG en réduisant de 4,2 jours les délais d’attente pour une interruption. De plus, plus d’avortements ont été pratiqués à moins de 6 semaines de grossesse grâce à cette mesure.

Accès à l’IVG en France: quel impact potentiel pour la télémédecine?

La délégation et le transfert des tâches dans la fourniture des soins liée à l’avortement ont été recommandés pour accroître l’accès à l’IVG, pour augmenter le nombre de sites et de prestataires des services d’IVG. Cela a été réalisé en France, dans une certaine mesure, lorsque les sages-femmes ont été autorisées à pratiquer l’avortement en 2016. Cependant, malgré ces progrès, l’accès à l’IVG en France peut encore être problématique et tenace pour des raisons juridiques, institutionnelles ou personnelles.

Le délai d’avortement en France étant limité à 12 semaines de grossesse, les femmes qui sont au-delà doivent partir pour l’Angleterre, les Pays-Bas ou l’Espagne pour avorter jusqu’à 22 semaines. Les femmes ont souvent peur et sont stressées de passer le délai légal, mais fixer un rendez-vous avant n’est pas toujours possible pour de nombreuses raisons comme la charge de travail, la garde d’enfants, le manque de services et de prestataires dans les zones rurales, la bureaucratisation de l’accès aux soins de santé, etc. Une fois le délai passé, voyager n’est pas non plus facile pour de nombreuses femmes, car cela nécessite encore plus de ressources, surtout en matière de temps et d’argent. Concernant l’accès à l’IVG en France, on sait aussi qu’il existe “des territoires en tension dans la majorité des régions” avec 8% des centres pratiquant l’IVG fermés au cours des 10 dernières années.

En plus de ces limites juridiques et institutionnelles, nous ignorons souvent les défis personnels qui pourraient retarder ou empêcher l’accès à l’IVG: stigmatisation de l’avortement, violence domestique, contrôle et pression de la famille et de l’entourage, impossibilité de voyager et même de quitter la maison seule et sans rien dire, les préoccupations concernant le respect a la vie privée, etc.  Bien que la télémédecine ne soit pas une solution magique, elle s’est avérée utile et efficace pendant la pandémie, et elle semble être une stratégie valable pour améliorer l’accès à l’avortement à long terme. Selon l’OMS, l’IVG par téléconsultation peut apporter des solutions pratiques facilitant l’accès à l’avortement, tout en contribuant également à l’autonomisation des femmes.

Elle peut faciliter la planification, offrir une interruption plus rapide de la grossesse et réduire les coûts liés aux déplacements et aux visites cliniques. Elle peut offrir le confort et l’intimité de la maison et les femmes peuvent valoriser le sentiment de contrôle sur leur corps et sur le processus d’IVG, qui pourrait potentiellement les aider à gérer la stigmatisation. L’OMS suggère également que l’avortement par télémédecine est rentable pour les systèmes de santé, car il réduit le temps et le personnel employés.

IVG à domicile ou dans une clinique, quelle est la différence?

Les études ont montré que le taux de réussite et les résultats de l’IVG à domicile par téléconsultation sont similaires à ceux des d’IVG réalisées dans une clinique et un hôpital. En termes de sécurité et d’efficacité, il n’y a pas de différence entre l’avortement en clinique ou à domicile par téléconsultation. Il est important de noter cependant que toutes les IVG ne peuvent pas être réalisées par téléconsultation. L’expérience de l’avortement peut varier en fonction de la situation médicale et personnelle des femmes. L’IVG par téléconsultation devrait être une option, parallèlement à l’IVG en clinique ou l’hôpital, que les femmes peuvent choisir en fonction de leurs besoins et de leurs préférences.

Une étude récente menée auprès de 124 praticiens du réseau médical périnatal méditerranéen en France montre que 44,7% des praticiens ont déjà proposé la télémédecine pour l’avortement médicamenteux à domicile pendant la pandémie et 61,7% d’entre eux souhaitaient poursuivre cette pratique. La télémédecine, soutenue dans le contexte français, pourrait améliorer l’accès à l’IVG à long terme et au-delà de la pandémie en fournissant au moins la même qualité- et parfois de meilleure qualité pour certaines femmes selon leurs besoins et préférences- de soins.

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