Qu’est ce qu’on regarde dimanche soir, 2 mai ? “Scènes de la vie conjugale” sur Netflix

1973. Ingmar Bergman vient de terminer le tournage de Cris et chuchotements mais ne trouve pas de distributeur. Pour tromper son impatience, il écrit en six semaines le scénario de Scènes de la vie conjugale, le tourne avec très peu de moyens...

Qu’est ce qu’on regarde dimanche soir, 2 mai ? “Scènes de la vie conjugale” sur Netflix

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1973. Ingmar Bergman vient de terminer le tournage de Cris et chuchotements mais ne trouve pas de distributeur. Pour tromper son impatience, il écrit en six semaines le scénario de Scènes de la vie conjugale, le tourne avec très peu de moyens financiers et pour l’essentiel deux de ses acteurs fétiches (son Liv Ullmann et Erland Josephson), mais aussi Bibi Andersson et Jan Malmsjö, dans des décors rudimentaires (très peu d’extérieurs, beaucoup d’intérieurs, tournés dans le studio que le cinéaste a fait construire dans la grange de sa propriété de l’île de Farö).

Ce film quasiment improvisé est diffusé à la télévision sous la forme d’une série (on dirait aujourd’hui une mini-série), six épisodes d’environ 49 minutes, ce qui représente en tout près de 5 heures de visionnage. En 1974, sort sur les écrans une version pour le cinéma plus courte, puisque le film ne dure que 2h47.

Ce long métrage plastiquement rude (plein de grain, souvent trop sombre, même si le grand chef op Sven Nykvist est derrière la caméra) est la radiographie sèche, violente et sans concession d’un couple bourgeois dans un pays occidental évolué et progressiste (la Suède est alors l’un des pays emblématiques, jusqu’à en devenir un cliché, de la libération sexuelle et d’un sociale démocratie épanouie) dans le troisième quart du XXème siècle.

Fragments du discours amoureux

Il décrit, sur vingt ans, la vie amoureuse, les déchirements d’un couple qui se disputent mais ne parvient pas à séparer définitivement. Le couple, cette tentative belle et désespérée de vouloir faire coïncider deux névroses, avec comme seule raison d’y croire le désir (qui va qui vient, comme le furet).

Scènes de la vie conjugale, version télé ou cinéma, est un chef-d’œuvre sans autre beauté (sinon celle du cadre) que celle du texte, du théâtre de chambre et de l’intime, du très intime, à tel point que – effet bien connu de la série – le spectateur finit par penser que la lumineuse Marianne et l’ombrageux Johann (elle et il sont évidemment incarné·es par des acteur·rices géniaux) existent réellement et qu’ils sont en train de faire l’amour ou de se déchirer sous la couette, là-haut, dans la chambre sous le toit que nous connaissons bien.

Ce film âpre a connu de nombreuses adaptations au théâtre. Il a aussi inspiré beaucoup d’autres films sur le couple, sur le désamour, sur le divorce, dont le dernier avatar serait sans doute l’admirable film de Noah Baumbach, Marriage story, avec Scarlett Johansson et Adam Driver, en 2019 (disponible sur Netflix), où l’influence de Scènes… est évidente. Mais jamais aucun autre film ne l’a égalé dans sa cruauté, dans cette manière de disséquer au scalpel le mystère ou l’absurdité du couple.

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Enfin, il n’est sans doute pas fortuit que Bergman, trente ans après (en 2003), ait choisi, pour son ultime et 46ème film, Saraband, de nous donner des nouvelles de Marianne et Johann, de remettre en scène Liv et Erland. Leurs retrouvailles sont poignantes (ils essaient même d’avoir un rapport sexuel, scène aussi drôle que tragique), et le cinéaste suédois, qui avait conclu Scènes de la vie conjugale sur des notes plutôt optimistes, ne nous laisse guère d’illusion : non, l’amour entre hommes et femmes, entre parents et enfants ne va pas de soi.

Un chant du cygne magistral que le vieux Bergman, toujours à la pointe de son temps, choisit de tourner en utilisant la technologie alors la plus avancée : le numérique haute définition. Il meurt quatre ans plus tard. Johann disparaît en 2012. Mais Marianne vit toujours. Elle a aujourd’hui 82 ans. Elle est toujours là, notre Marianne.

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