Rendez Vous : “On n’est pas un groupe de rock conventionnel”

Downcast, c’est la beauté des outsiders, l’incarnation d’un modernisme dans le punk-rock, le témoignage de musiciens qui, à défaut de se savoir géniaux, prônent une vision, un propos, une sacrée attitude. Le deuxième album de Rendez Vous, c’est...

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Downcast, c’est la beauté des outsiders, l’incarnation d’un modernisme dans le punk-rock, le témoignage de musiciens qui, à défaut de se savoir géniaux, prônent une vision, un propos, une sacrée attitude. Le deuxième album de Rendez Vous, c’est en effet un peu tout ça, et c’est précisément ce dont nous causent les Parisiens dans une entrevue où il est question de bidouillages informatiques, d’une lassitude vis-à-vis de la cold wave et d’un plafond de verre infranchissable.

Quand un groupe prend six ans pour sortir un nouvel album, on s’imagine beaucoup de travail de studio, d’échecs, d’aller-retour, etc. Ça a été le cas ?

Maxime Gendre – C’est effectivement un bon mélange de tout ça ! Après la sortie de Superior State, en 2018, il y a d’abord eu une longue tournée, très intense, ce qui fait qu’on n’avait ni le temps, ni l’énergie de composer en parallèle. Comme beaucoup, on a profité du Covid pour faire un break, et lorsqu’on a recommencé à bosser ensemble en 2021, il y a eu une période de tâtonnements. On n’a pas tout de suite su dans quelle direction partir. Pour tout dire, Downcast aurait pu sonner bien plus électronique, mais on a fini par écarter des dizaines de morceaux et autres démos dans la dernière ligne droite.

Par le passé, vous disiez ne pas vouloir vous imposer le format album…

MG Dans l’idée, on aimerait bien que ce soit plus fluide, pouvoir balancer quand bon nous semble des titres sur Spotify ou SoundCloud. Là, on s’était toutefois absentés trop longtemps pour se permettre une telle approche, surtout quand on sait qu’elle est moins admise ou courante dans le rock que dans le rap ou l’électro. Dans le rock, l’album reste encore et toujours un format auquel se référer.

Elliot Berthault – Il faut le dire aussi : c’est toujours plus compliqué de promouvoir de simples singles.

Avec Downcast, l’idée était donc d’arriver avec un album lisible ? Ou vous vous êtes tout de même autorisé l’accident, l’erreur ?

EB On n’a jamais une idée précise de ce que l’on veut faire. On teste des trucs sur une guitare et un synthé, on ajoute différentes couches de son et, généralement, une fois que Francis a posé sa voix, on comprend là où on veut aller.

MG Il y a bien évidemment des erreurs, comme ces glitchs que l’on peut entendre et qui nous permettent d’introduire une part d’aléatoire dans la composition, mais je causerais plutôt de hasards heureux. C’est du bidouillage informatique avant tout.

EB On n’est pas un groupe de rock conventionnel, dans le sens où on n’a pas commencé dans une cave avec nos guitares. Dès le début, on faisait notre musique via des ordinateurs, et ça se ressent dans nos morceaux, où la production prend beaucoup de place, où les glitchs et les petits arrangements viennent rapidement déterminer le son d’un morceau.

Avec les années, on écoute moins de cold wave, une musique qui ne nous touche plus trop

Maxime Gendre

Votre musique est toutefois moins électronique qu’à l’époque de Distance. Est-ce que cette évolution est due à la digestion d’autres influences (Deftones, The Smashing Pumpkins, Pixies), des groupes auxquels on ne vous associait pas par le passé ?

EB The Smashing Pumpkins, c’est un groupe qui nous réunit, que l’on aime tous et que l’on a tous beaucoup écouté. C’est une vieille référence !

MG Avec les années, on écoute moins de cold wave, une musique qui ne nous touche plus trop. À l’inverse, on avait envie d’aller vers le son des Deftones ou des Smashing Pumpkins, qui étaient des références parfois présentes sur les précédents projets, le temps d’un ou deux morceaux, mais que l’on n’avait pas encore totalement exploitées.

Il faut dire que le shoegaze colle particulièrement bien au titre de l’album…

EB Oui, il a un côté très emo, très mélancolique, qui colle plutôt bien au disque. “Abattu”, c’est un mot qui nous paraissait suffisamment fort pour servir de titre d’album.

D’autant qu’il fait sens avec le climat de l’époque.

EB Totalement ! On n’aurait aucune raison de se considérer comme un groupe politique, mais évidemment que le climat anxiogène influence directement notre musique et notre mood.

Ce que j’adore, et ça s’est perdu avec le fait d’écouter des playlists, c’est de se laisser le temps d’être surpris

Elliot Berthault

On parlait de vos influences. Qu’attendez-vous d’un album lorsque vous l’écoutez pour la 1ère fois ?

MG J’aime qu’il y ait de l’immédiateté, un son qui me mette d’emblée le grappin dessus, quitte à approfondir le travail sur les arrangements par la suite. J’ai besoin de cette connexion émotionnelle instantanée. Si ce n’est pas le cas, je lâche !

EB Ce que j’adore, et ça s’est perdu avec le fait d’écouter des playlists, c’est de se laisser le temps d’être surpris. Petit, ma mère m’achetait un album par mois, un disque que je voulais à cause d’un ou deux singles et, souvent, on pouvait y trouver un morceau bizarre que je n’aimais pas à la 1ère écoute. Systématiquement, celui-ci finissait par devenir mon morceau préféré.

Il y a un morceau sur Downcast qui nécessiterait de la part de l’auditeur une même implication ?

MG The House Has Burned Down détonne peut-être par rapport à ce que les gens peuvent attendre de Rendez Vous. Smoke’Em Heads aussi, dans le sens où il est plus joyeux et solaire, même si ça reste du shoegaze comme on kiffe.

EB Le plus bizarre, ça reste finalement aiw777, très chelou au niveau de la structure, avec des tempos qui changent tout le temps, un début méga punk et une fin nettement plus shoegaze.

MG D’où sa présence en ouverture de l’album. Il n’a clairement pas été facile à réaliser, mais il ouvre le spectre d’entrée de jeu.

Sheer, lui, semble incarner une forme de continuité, non ? 

MG Sur Sheer, tu retrouves en effet la couleur de titres comme Double zéro. C’est le même genre de morceau, et l’on aimait l’idée de créer un pont entre nos deux albums, de permettre aux gens de s’accrocher à un son qu’ils connaissent. Et puis, on aime bien son énergie punk !

Cette énergie-là, on l’entend clairement sur Downcast, bien que l’album s’appuie sur des structures finalement classiques. Est-ce compliqué d’écrire un refrain ou un deuxième couplet qui ne vienne pas casser ce sentiment d’urgence et de spontanéité ?

EB Le deuxième couplet, tu reprends simplement la recette du 1er avec des variantes. La vraie difficulté, en effet, c’est le refrain : imaginer un hook, trouver des phrases marquantes, composer des mélodies de voix assez fortes… Tout ça fait que l’on se prend grave la tête sur certains refrains. Smoke’Em Heads, par exemple, a été une vraie galère.

Francis Mallari On l’a tellement testé dans tous les sens, il n’y avait tellement rien de fluide avec ce morceau que j’étais prêt à l’écarter.

Francis, j’ai l’impression que The House Has Burned Down et Nothing, plus mélancoliques et émotifs, s’inscrivent dans le prolongement de ton projet solo, d’un titre comme Come On Baby où tu assumes clairement un côté crooner.

FM Ça vient peut-être du fait que je chante davantage sur ces titres. Avant, je passais pas mal de temps à scander. Là, je tiens davantage les notes, c’est plus mélodique. C’est une bonne chose : ça donne du relief à l’album, ça évite d’être toujours rentre-dedans, et ça nous permet de montrer aux gens que l’on évolue, que l’on a envie d’expérimenter au sein du format rock.

Est-ce que vous craignez un jour d’atteindre une forme de plafond de verre, aussi bien en matière d’audience que sur le plan artistique ?

EB – C’est sûr que l’on ne pourra jamais remplir Bercy, mais ça n’a jamais été notre ambition. Là, on va donner une douzaine de concerts en Amérique et au Mexique, et ça nous excite tout autant ! Artistiquement, en revanche, on vient de prouver que l’on pouvait se renouveler, que l’on peut penser notre musique autrement quand on a la sensation d’être arrivé au bout d’une idée, d’un format.

MG On sait bien que l’on n’est pas des génies, et l’on n’a aucunement l’ambition de faire avancer la musique. Ça ne nous empêche pas d’essayer d’apporter une certaine fraîcheur. À partir du moment où tu voyages un peu en écoutant un de nos morceaux, où tu ressens notre vision, le taf est fait.

Downcast (Artefact/Wedge), sortie le 24 mai. En tournée (festivals et concerts).