Retour sur “Kuso”, le film barré et scato de Flying Lotus 

“C’est de l’art. C’est de la merde. L’art, c’est de la merde.” Prononcée par une jeune femme qui assiste, indifférente, au spectacle déroutant d’un pénis se faisant poignarder, cette phrase prend dans Kuso un sens éminemment littéral. C’est...

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“C’est de l’art. C’est de la merde. L’art, c’est de la merde.” Prononcée par une jeune femme qui assiste, indifférente, au spectacle déroutant d’un pénis se faisant poignarder, cette phrase prend dans Kuso un sens éminemment littéral. C’est que le premier essai cinématographique du producteur, DJ et rappeur californien Flying Lotus (de son vrai nom Steven Ellison) ne cache pas son jeu : Kuso (c’est son titre) signifie “merde” en japonais. Plus qu’un programme, c’est une profession de foi.

Composé de quatre court métrages plus barrés les uns que les autres, liés entre eux par des interludes musicaux à la lisière du hip-hop et de l’electro planante dont FlyLo a le secret, cet ovni cinématographique brosse le portrait d’une post-humanité déliquescente ayant survécu à un terrible tremblement de terre. En plus d’avoir rasé Los Angeles, ce séisme cataclysmique (sorte de Big One fantasmagorique) a généré d’étonnants effets secondaires : les survivant·es sont recouvert·es de pustules purulentes, et semblent soudainement assujetti·es à leurs pulsions primaires.

A Sundance, en 2017, des dizaines de spectateur·trices ont quitté la salle en cours de projection

On assiste, dans Kuso, à la sustentation d’un anus métamorphe, à une opération chirurgicale menée par un insecte médecin logé dans un anus, aux déjections incontrôlées d’un sperme radioactif ou à l’apparition d’une tumeur parlante, putride et lubrique, sur l’épaule d’une infortunée pestiférée. Un tunnel de stupre et de visions tordues (voire franchement scatophiles) qui avait créé un petit scandale lors de la projection du film à Sundance, en 2017, où des dizaines de spectateur·trices avaient quitté la salle, outré·es.

Pourtant, l’aspect hautement artisanal du film – mélange de live action, d’animation parfois primitive, d’effets spéciaux caoutchouteux et de collages bigarrés – rend la mayonnaise moins indigeste qu’on pouvait le craindre.

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Le formalisme ravageur (et ravagé) de FlyLo (déjà identifié dans ses travaux de clippeur) hisse cette odyssée scabreuse et dérangée vers des sommets insoupçonnés, où se développe une sorte de poétique (presque cronenbergienne) de la dégueulasserie.

Intuitivement repoussant et curieusement hypnotique

La radiographie hallucinée de la fin de notre civilisation devient pour le musicien reconverti cinéaste un terrain de jeu formel et théorique, où le post-humain est figuré comme une machine tout juste bonne à sécréter des fluides corporels... et de la merde. Beaucoup de merde.

Croisement improbable entre l’humour scato d’un épisode de South Park aspiré dans un vortex existentialiste, l’esthétique baroque d’un Goya dégénéré et l’obscénité outrancière d’un film de Takashi Miike, Kuso se pose en objet inclassable, aussi intuitivement repoussant que curieusement hypnotique.

Kuso de Flying Lotus, avec Hannibal Buress, Tim Heidecker, Anders Holm (E.-U., 2017, 1h45). En DVD et Blu-ray (Potemkine)