Timm Kröger : “Je crois que c’est impossible d’avoir une idée complètement neuve”

Après The Council of Birds, son projet de fin d’études présenté à la Mostra de Venise en 2014 mais jamais sorti en salles, le réalisateur allemand Timm Kröger revient avec Universal Theory, une histoire de multivers, de voyage spatio-temporel...

Timm Kröger : “Je crois que c’est impossible d’avoir une idée complètement neuve”

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Après The Council of Birds, son projet de fin d’études présenté à la Mostra de Venise en 2014 mais jamais sorti en salles, le réalisateur allemand Timm Kröger revient avec Universal Theory, une histoire de multivers, de voyage spatio-temporel et d’amour portée par une esthétique rétro de film de montagne.

Primé à L’Étrange Festival et aux Utopiales 2023 et en compétition à la Mostra 2023, le long métrage explique l’histoire de Johannes, un jeune doctorant participant à un congrès de physique dans les Alpes suisses en 1962. Il défend une théorie sur l’existence de mondes parallèles, qui ne tarde pas à se confirmer lorsqu’il fait la connaissance de Karin, une mystérieuse pianiste qui sait tout de lui et semble le connaître d’une autre vie. Les mondes se chevauchent, tout autant que les influences cinématographiques de son réalisateur – entre Hitchcock, Lynch, et le cinéma allemand d’après-guerre –, qui crée un véritable multivers et vient puiser dans nos références visuelles et musicales les plus inconscientes.

Votre film cause de la possible existence de mondes parallèles. C’est un sujet récurrent depuis plusieurs années, comment expliquez-vous cela ?

Timm Kröger – Je crois que c’est parce que les gens sont de plus en plus confinés dans leur monde, tout en étant capables de voyager où ils veulent, avec Internet ou les jeux vidéo, par exemple. En tant que réalisateur, je pense que cet intérêt est aussi lié à l’idée que tout a déjà été fait, que tous les scénarios ont déjà été écrits, donc au lieu d’explorer en profondeur, verticalement, on commence à explorer horizontalement.

On sent que votre film est empreint de tout un pan de l’histoire du cinéma. Un mélange d’époques et de genres qui crée une atmosphère étrange, où le·la spectateur·rice se retrouve perdu·e entre passé et présent. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Je voulais reprendre l’esthétique des films des années 1940, 1950, 1960, car c’est tout simplement comme ça que je m’imagine le passé. Dès le tout début, j’ai senti que je voulais faire une sorte de pastiche entre Hitchcock et Lynch, mais aussi de tout le cinéma allemand d’après-guerre qui est complètement différent de celui qu’on a l’habitude de faire aujourd’hui. En additionnant ces différents univers, je voulais créer une atmosphère faite d’images inconscientes du passé, je voulais que le·la spectateur·rice se retrouve plongé·e dans un monde étrange, rempli de références qui lui semble autant familières qu’étrangères. C’est drôle, car tout le monde voit des références nouvelles, et souvent ce sont des films que je n’ai pas vus.

Pensez-vous que l’on puisse faire un film dépourvu de toutes références ?

Je ne pense pas, non. Comme disait le philosophe slovène Slavoj Zizek, tout le cinéma postmoderne cause de l’impossibilité de faire un film. Cela a aussi à voir avec l’idée que chaque spectateur·rice a ses propres références. Je crois que c’est impossible d’avoir une idée complètement neuve, je ne sais pas si ça m’est déjà arrivé…

“Mon protagoniste est tout le contraire du personnage typique du cinéma américain, toujours très actif”

Comment avez-vous écrit le personnage principal de Universal Theory ? On sent en lui toute l’influence de La Montagne magique, de Thomas Mann.

Effectivement, le film est en partie inspiré de La Montagne magique : le protagoniste (comme Hans Castorp, dans le roman de Thomas Mann) est initialement incomplet dans sa construction psychologique, ce qui fait qu’il est ouvert à toutes les formes de religions et de courants de pensée, et c’est ce que je trouvais très intéressant car c’est finalement l’expérience de la jeunesse. Il est tout le contraire du personnage typique du cinéma américain, toujours très actif, mais qui selon moi ne donne pas une représentation juste de la vie.

Au lieu de connaître une évolution psychologique remarquable, comme le personnage de Mann, Johannes chute étonnamment progressivement dans la déchéance et s’éloigne alors du protagoniste classique du roman d’apprentissage, qui, d’abord naïf et ingénu, gagne en maturité et en sagesse. Pourquoi ce choix ?

C’est intéressant, car je trouvais que c’était au contraire plutôt ordinaire dans le cinéma européen de faire échouer son personnage à la fin. J’étais en réalité intrigué par l’aspect tragicomique de l’échec. Johannes entre dans une forme de psychose, car il croit profondément aux expériences extraordinaires qu’il a vécues dans cet hôtel, mais il reste incompris du reste du monde. S’il échoue, c’est aussi parce qu’il projette tous ses désirs dans le souvenir d’une femme qui vient d’une autre réalité, et qu’il recherche désespérément.

“Toute l’histoire du cinéma est sculptée par de grandes bandes originales qui font partie de notre imaginaire inconscient”

La musique, inspirée de l’âge d’or de Hollywood, occupe une place très importante dans votre film. Comment avez-vous travaillé avec le compositeur ?

Diego Ramos Rodríguez est un ami de longue date. On a surtout communiqué en s’envoyant des musiques pendant toute la préparation du film, qui a duré six ans. Comme je voulais reprendre les codes du cinéma des années 1950, je savais que la musique y ferait beaucoup ; Diego s’est donc inspiré de compositeurs comme Bernard Herrmann, Georges Delerue, et surtout Paul Misraki. Il a réussi à composer une musique qui, en contrastant avec la modernité du film, renforce le sentiment d’étrangeté qui s’en dégage. Toute l’histoire du cinéma est sculptée par ces grandes bandes originales qui font aussi partie de notre imaginaire inconscient.

Quel·les réalisateur·rices actuel·les vous inspirent ?

J’aime beaucoup Lucrecia Martel, Eduardo Williams et son film The Human Surge, ou encore Jonathan Glazer, dont tous les films sont des chefs-d’œuvre.

Pouvez-vous nous causer de votre prochain projet ?

Mon futur film sera un sequel de Universal Theory, et il expliquera l’histoire de la fille de Johannes. Ce sera une sorte de film d’aventures, où des adolescent·es se retrouvent confronté·es à une mystérieuse secte qui cherche à créer une nouvelle réalité…

Universal Theory, de Timm Kröger, avec Jan Bülow, Olivia Ross, Hanns Zischler. En salle le 21 février