Comment la méditation et autres méthodes douces sont arrivées en politique

POLITIQUE - Imagine-t-on le général de Gaulle faire de la méditation? La pratique est en tout cas en train de se répandre dans de nombreuses instances politiques. En quelques semaines, trois épisodes ont éveillé la curiosité ou suscité la polémique.D’abord,...

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POLITIQUE - Imagine-t-on le général de Gaulle faire de la méditation? La pratique est en tout cas en train de se répandre dans de nombreuses instances politiques. En quelques semaines, trois épisodes ont éveillé la curiosité ou suscité la polémique.

D’abord, cette minute de médiation organisée en plein conseil municipal à Castanet-Tolosan, en Haute-Garonne qui a suscité les moqueries. Ensuite, c’est la mairie de Nantes qui est épinglée pour une formation ”ésotérique”, selon L’Express qui a coûté 20.000 euros au contribuable. Enfin, c’est ce député qui a demandé à l’Assemblée nationale -sans succès- le remboursement de ses cours de yoga, selon une information rapportée par Politico.

À la mairie de Nantes, on a très mal vécu l’article de L’Express. Bassem Asseh, 1er adjoint de Johanna Rolland estime que ”ça peut s’assimiler à de la fake news ou de la calomnie de voir accolé à la photo de la maire le terme ‘ésotérique’”. Il rapporte qu’il n’y avait “rien d’irrationnel lors de ces trois formations, juste un jeu de rôle classique lors de ce genre de moment, comme on peut le voir dans le privé”. Et “pas une minute de respiration”. Comme s’il y avait une grande gêne à en causer. 

Alors que se passe-t-il dans les arcanes du pouvoir? Les politiques suivent-ils, à l’image de la société, un mouvement de plus en plus large de recentrage sur soi, de méthodes douces de concentration et de gestion du stress, ou sont-ils en train d’importer des méthodes douteuses, ayant quelques origines sectaires, comme le sous-entendent nos confrères de l’Express, voire trop personnelles pour trouver leur place politique?

Des séances au QG d’En Marche en 2017

La méditation a fait une entrée fulgurante en politique avec l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, armé de nouvelles méthodes et de jeunes cadres issus du privé ou de la société civile, éloignés des méthodes traditionnelles des partis politiques. Dès 2017, au QG d’Emmanuel Macron, alors candidat, une quinzaine de salariés du parti s’adonnent à des séances à l’heure du déjeuner. La méthode en surprend certains et en attire d’autres. À l’origine de cette initiative, Pacôme Rupin, 32 ans à l’époque, chargé du pôle “territoires” de la campagne, aujourd’hui député LREM de Paris. “J’étais pratiquant, j’ai proposé à des collègues de prendre dix ou quinze minutes pour se concentrer sur notre respiration”, confirme-t-il aujourd’hui, quand d’autres causent “d’une demi-heure”. Il n’a pas proposé au candidat Macron de tenter l’expérience.

“On était entre quinze et vingt salariés, quand vous faites des journées de 8h à minuit, ça peut vous faire du bien”, dit-il timidement, comme si le sujet était encore tabou. Et pour cause. À l’Assemblée, le député Gaël Le Bohec, adepte depuis près de huit ans est l’un des plus fervents défenseurs du sujet. Il milite pour que la méditation soit prise en charge par le budget formation de l’Assemblée nationale pour les élus ou personnels, “comme on le fait chez Air France, dans l’Armée et même à l’AFP où elles sont proposées”, mais aussi pour que la méditation s’intègre à des politiques publiques, à l’école ou à l’hôpital.

“Tu n’en as pas marre que tout le monde se foute de ta gueule?”

“Tu n’en as pas marre que tout le monde se foute de ta gueule?”, lui aurait soufflé récemment l’un de ses collègues députés. En retour, il lui a offert le hors-série Géo sur le yoga et la méditation. “Les moqueries, il faut les ignorer”, abonde Delphine Batho, députée des Deux-Sèvres, pratiquante depuis cinq ans, qui regarde d’un air amusé “le décalage entre le grand intérêt des Français si l’on en croit les ventes de livres ou de magazines sur le sujet et ces résistances souvent liées à un manque de connaissance”. Et qui prend bien soin de préciser qu’il s’agit de “méditation laïque” et que “plusieurs études scientifiques prouvent l’intérêt de la méditation dans le traitement de maladies physiques ou psychologiques”.

En 2018, la députée des Deux-Sèvres venue du parti socialiste et son collègue Pacôme Rupin, diplômé en neurosciences et méditation de l’université de Strasbourg, proposent à tous les députés et leurs collaborateurs une formation de huit semaines, dans la salle de yoga de l’Assemblée nationale située boulevard Saint-Germain, à Paris. La session de deux à trois heures par semaine s’est depuis reproduite au moins sept fois, touchant “en tout une centaine de personnes”, selon Gaël Le Bohec.

Une salle de yoga à l’Assemblée 

L’Assemblée, après un temps d’hésitation, n’a pas souhaité rembourser cette initiative sur son budget de formation, ni sur les frais des députés. “Nous avons suivi l’avis de la déontologue qui n’y était pas favorable”, rapporte Laurianne Rossi, députée LREM et questeuse, chargée de cordons de la bourse au Palais-Bourbon qui n’est pas fermée à ce que le sujet s’ouvre dans les prochaines années. “Je n’ai pas de tabou sur le sujet, il m’arrive de pratiquer, je sais aussi ses bienfaits sur l’attention des élèves dans les écoles”, répond la députée des Hauts-de-Seine.

De plus en plus d’élus ne font pas mystère de leur pratique, Olivier Véran confiait en mars dans le magazine ELLEutiliser l’application “Petit bambou” pour ses exercices. Christophe Castaner, lui, ne fait “pas une matinale” sans s’y adonner. Il se souvient encore de cet épisode dans le studio de France Inter où il se préparait, les yeux fermés, quelques minutes avant l’antenne. “Léa Salamé est entrée précipitamment dans le studio. Elle pensait que je faisais un malaise!”, sourit-il aujourd’hui.

Olivier Véran et “Petit Bambou”, Castaner, avant chaque matinale

“J’ai quelques trucs pour m’approprier l’espace sur le plateau, chercher le sourire du journaliste avec qui vous allez passer un mauvais quart d’heure. Je convoque une image mentale, celle de l’arbre de mon jardin”, révèle sans détour l’ancien ministre de l’Intérieur qui n’arrivait pas à pratiquer quand il était place Beauvau. “J’avais trop de choses en tête, mon esprit partait ailleurs au bout de cinq minutes”. 

L’ancien socialiste n’y trouve que des bienfaits: “C’est relaxant face au stress, face à l’anxiété de la société, c’est utile, ça favorise la mémoire”, mais se refuse à tout “prosélytisme”. S’il en a bien parlé une fois avec Emmanuel Macron, il croit savoir que le chef de l’État ne la pratique pas.

 

 

Le patron du groupe LREM à l’Assemblée n’a pas vu d’un très bon œil, en revanche, la minute organisée au conseil municipal de Haute-Garonne. “C’est une pratique individuelle, ça ne peut pas s’imposer. Avant le conseil, que chacun fasse ce qu’il veut; en faire un passage obligé est un contresens à mon avis”. Même avis pour Pacôme Rupin: “Je ne suis pas sûr que ce soit le lieu. C’est comme si on demandait à tout le monde de faire un jogging avant le conseil municipal, certains n’aiment pas ça”.

Le parallèle avec le sport, nombreux sont les adeptes de la méditation à le faire pour défendre une pratique “peu démocratisée”, mais utile au plus grand nombre, selon eux. “La méditation, c’est le sport du cerveau”, appuie Delphine Batho. “Je suis pour que ces pratiques, en se basant sur les données scientifiques existantes, ne soient pas réservées à une élite”, défend-elle.

 

La méditation, c'est le sport du cerveauDelphine Batho, députée des Deux-Sèvres

 

Avec Pacôme Rupin, ils suivent de très près l’exemple du Royaume-Uni qui a intégré cette méthode à ses politiques publiques, notamment dans le domaine de la santé. “Là-bas, le traitement des risques de rechute de dépression par la méditation est remboursé par la sécurité sociale”, souligne Delphine Batho. “Dans les Ehpads, le reste à vivre est augmenté de 50% quand les résidents méditent; 30 à 40 % prisonniers méditant sont moins récidivistes que les autres et à l’école, les élèves les plus en difficultés parviennent à mieux se concentrer”, vante encore Gaël Le Bohec, très en pointe sur le sujet. “Les enseignants qui l’utilisent voient des effets sur leurs élèves”, abonde encore Pacôme Rupin, exemples français à l’appui.

“Il y a eu en 2017 un rajeunissement des élus, très urbains pour la plupart. Ce renouvellement a emmené de nouvelles pratiques comme celles-ci, mais on pourrait causer aussi de leur façon de s’alimenter, beaucoup plus équilibrée ou du fait qu’ils ne boivent plus d’alcool à la buvette de l’Assemblée”, observe un ancien salarié d’En Marche qui met sur le même plan “Clément Beaune qui fait son jogging sur Instagram. Tout ça crée un choc culturel avec les anciens.”.

 

Je suis croyant. Je pense que la prière vous aide à réfléchir, à approfondir ce qu’il y a en vous et à l’extérieur.Charles de Courson, député UDI de la Marne

 Pas tous, si l’on écoute, à tout hasard, Charles de Courson, député UDI qui a traversé les majorités. “Moi, je suis croyant. Je pense que la prière vous aide à réfléchir, à approfondir ce qu’il y a en vous et à l’extérieur”. Élu depuis près de trente ans, il n’a jamais utilisé le budget formation de l’Assemblée nationale, mais ne serait pas choqué d’y trouver ce genre de formations. “En tant que tel, je trouve ça très bien. Si ça peut aider à apaiser les discussions et que les gens soient plus sérieux dans leurs argumentations, tant mieux. On apprend bien à s’exprimer en public ou à diriger une réunion”.

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