Face à la déprime Covid, les achats compulsifs augmentent

CONFINEMENT - “Installé sur mon canapé, je regarde le plafond et je me demande ‘qu’est-ce que je vais bien pouvoir acheter aujourd’hui?’”, explique, le ton rieur, Hervé*, 31 ans. Depuis le début de la crise du Covid-19et sesconfinements successifs,...

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Un consommateur fait des achats sur Internet le 13 octobre 2020, à Berlin, en pleine épidémie de Covid-19

CONFINEMENT - “Installé sur mon canapé, je regarde le plafond et je me demande ‘qu’est-ce que je vais bien pouvoir acheter aujourd’hui?’”, explique, le ton rieur, Hervé*, 31 ans. Depuis le début de la crise du Covid-19et sesconfinements successifs, ce journaliste parisien est en proie à des crisesd’achats compulsifs, une à deux fois par semaine. “Ce qui est amusant, c’est que ma copine fait exactement la même chose au même moment sur Vinted!”, révèle Hervé auprès du HuffPost

Lui et sa conjointe ne sont pas les seuls à chiner en ligne pour fuir la déprime du Covid-19. Lesconfinements ont dopé les ventes de sites d’occasion comme Vinted, friperie numérique née en Lituanie et devenue une référence en France (+17% des articles mis en ligne sur l’ensemble des plateformes en Europe pendant les deux 1ers confinements), e-Bay, ou leboncoin, géant des petites annonces.

Leboncoin a notamment enregistré 44 millions d’annonces par jour à ce jour, contre 28 millions début février, avec “une hausse exponentielle et constante depuis le 1erdéconfinement”, déclare une porte-parole au HuffPost. Plus généralement, les ventes de produits sur Internet ont augmenté de 32% en 2020 d’aprèsles chiffres de la Fédération d’e-commerce et de vente à distance (Fevad), publiés en février.

“C’est devenu un peu aliénant”

“Je ressens comme un creux étrange en ce moment”, reprend Hervé, qui effectue l’essentiel de ses achats sur leboncoin, “pour le côté recyclage”, et plus rarement sur Amazon. Robot de cuisine, tupperware, couteaux, vinaigre, sorbetière, thermomètre alimentaire... Tout y passe, “tant que c’est lié à l’univers de la cuisine”, meilleur allié d’Hervé contre l’ennui. Mais pas seulement: récemment, il a craqué pour des jeux de société et “beaucoup de bouquins achetés sur Amazon”. Entre la course aux réductions, “un jeu” pour lui, et le plaisir de recevoir des cadeaux plusieurs fois par semaine, le journaliste le reconnaît: “C’est devenu un peu aliénant”. 

Plus que des crises d’achats, les trois confinements ont révélé chez Chloé*, 33 ans, un véritable trouble compulsif des achats en ligne. Au début de la crise sanitaire, cette assistante administrative de Limoges a contracté le Covid-19. “Je m’ennuyais terriblement”, nous explique-t-elle. Calfeutrée chez elle, la jeune femme a commencé à acheter en ligne des tissus et des bobines pour la couture, des livres historiques et philosophiques ou des mangas.

Une pratique qui, au départ, l’a aidée à se “distraire” et lui a permis de retrouver un semblant de liberté, en plein confinement. Jusqu’à tomber dans une spirale “vicieuse et pathologique”, qui n’est allée qu’en s’accentuant jusqu’à aujourd’hui. Depuis le début de ce troisième confinement, Chloé passe deux à trois heures sur les sites de ventes en ligne chaque semaine, dépensant environ 200 euros pour des produits qu’elle n’est “même pas sûre d’utiliser un jour”. Et qu’importe la plateforme ou le site web, le but est “d’acheter pour acheter”, déplore-t-elle. Avec les achats viennent les regrets, la culpabilité, les disputes au sein du couple pour des questions budgétaires. “Je suis déprimée et je m’ennuie donc j’achète. Mais ça ne comble pas le vide, ça le creuse.”

60% des consultations totales

Pour Magali Bours, psychothérapeute exerçant à Paris, les sites de seconde main comme Vinted ou leboncoin favorisent la compulsion au travers d’une course à l’article le moins cher. Des comportements qui traduisent chez les consommateurs une “fuite inconsciente du vide”, décrypte-t-elle auprès du HuffPost

“Avec les restrictions, les Français, isolés, ont totalement intégré l’écran à leur quotidien. Ils sont donc plus tournés vers l’achat compulsif qu’auparavant”. Dans son cabinet situé dans le XIe arrondissement de Paris, la spécialiste estime que les consultations pour ce type de comportement ont doublé entre la période précédant la crise sanitaire et aujourd’hui, passant de 30% à 60% des consultations totales. 

Des affirmations confirmées par l’associationDébiteurs anonymes, qui aide les acheteurs compulsifs à s’en sortir en organisant, entre autres, des réunions sur Zoom. “Il y a eu de nouveaux arrivants pendant ces différentes périodes de confinement”, explique une responsable de communication, qui préfère toutefois ne pas avancer de chiffres.

“Le confinement a crée une angoisse chez les Français et a révélé des troubles de l’achat chez certains”, reprend Magali Bours. Parmi eux, la spécialiste distingue néanmoins deux types de patients: ceux pour qui la crise a agi comme un révélateur, et ceux qui étaient déjà sujets à des crises d’achats compulsifs auparavant, mais qui les ont vu augmenter récemment. 

Plus réceptif aux offres en ligne  

Lucas, 26 ans, et développeur web, fait partie de cette deuxième catégorie de personnes. “Depuis toujours”, soutient le développeur web au HuffPost, il est sujet à ce qu’il qualifie de “crises de craving”. Le jeune homme achète alors “un peu de tout” sur Internet, que ce soit des “gadgets”, des jeux vidéo, des mangas, des livres, des accessoires pour son bureau, des vêtements ou encore des robots pour cuisiner. Avec ce confinement, “des fonds financiers et du temps libre se sont débloqués”, ajoute-t-il. 

Plus de temps libre, c’est aussi davantage d’heures passées sur son fil d’actualité Facebook. “C’est simple, je vois quelque chose qui me plaît sur mon fil, je l’achète”, souligne-t-il, expliquant être plus réceptif aux annonces commerciales et aux offres en ligne ciblées sur son compte Facebook qu’auparavant. “Je me fais attraper plus facilement”, précise-t-il. Alors, même lorsque son compte en banque est quasi vide, Lucas ne peut parfois résister à une offre qui lui “fait de l’œil” sur son écran d’ordinateur. “Je sais que je fais une bêtise, mais c’est comme ça, c’est une addiction”, souffle-t-il enfin. 

Les boutiques physiques, plus addictives pour certains? 

Si la crise sanitaire a révélé des penchants pour les achats compulsifs chez un certain nombre de Français, pour certains, elle a, au contraire, été bénéfique. Comme pour Laure, résidente à Maisons-Alfort, en banlieue parisienne, qui estime que les trois confinements l’ont aidée à se sortir “totalement” de son trouble d’achats compulsifs, apparu en 2004.

En cause: la fermeture des boutiques physiques, plus “addictives” selon cette femme de 45 ans, que le e-commerce. Installée à la campagne chez ses parents depuis l’an dernier, elle reconnaît “avoir eu peur au départ, parce que la période était anxiogène”. “Mais les boutiques en ligne n’ont pas le même effet sur moi que les physiques, il faut créer un panier, ce qui est beaucoup plus rationnel, moins valorisant que lorsque l’on se rend dans un magasin”, pointe-t-elle. La période du Covid-19 a donc été pour Laure, l’occasion de poursuivre un travail qu’elle avait déjà entamé pour cesser d’acheter compulsivement. 

*Le prénom a été changé

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