Éviction d'Emmanuel Faber de Danone: la volonté d’un patron ne suffit pas à changer le système

L’éviction du PDG de Danone, Emmanuel Faber, par ses actionnaires, dimanche soir, est une parfaite illustration de ce que les écologistes clament depuis longtemps: les bonnes volontés d’un patron ne suffiront pas à améliorer les choses, c’est...

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Le PDG de Danone Emmanuel Faber lors de la présentation des résultats annuels du groupe, le 19 février 2019 à Paris. (Photo by JACQUES DEMARTHON / AFP)

L’éviction du PDG de Danone, Emmanuel Faber, par ses actionnaires, dimanche soir, est une parfaite illustration de ce que les écologistes clament depuis longtemps: les bonnes volontés d’un patron ne suffiront pas à améliorer les choses, c’est tout le système qu’il faut changer. Le genre de leçon qui, sous la forme d’un cauchemar, permet de remettre les yeux en face des trous.

Car ce lundi 15 mars, le réveil est brutal: nous petit-déjeunons à la sauce dégoût.

Le café sent le rance, personne n’a envie d’y tremper sa tartine.

Les informations du matin annoncent que la veille au soir, les actionnaires de Danone ont eu la peau d’Emmanuel Faber, son emblématique patron: ça y est.

Ça lui pendait au nez.

Ça nous pendait au nez.

Emmanuel Faber ne plaisait pas à celles et ceux qui veulent toujours plus, “quoi qu’il en coûte”. Ce patron avait des ambitions humanistes, sociales et écolo. Il avait renoncé à nombre d’avantages, il redistribuait une partie de ses revenus. Il défendait une vision à long terme, clamait la responsabilité environnementale, sociétale, de son entreprise mastodonte.

 

Les fonds activistes sont le Frankenstein du capitalisme.

 

En d’autres termes: il tentait d’adoucir la cuisse du Jupiter dont son monde était issu. Il tentait la résilience. Il tentait le vertueux.

C’est raté.

Dimanche soir, Emmanuel s’est fait dévorer.

Les fonds activistes ont eu la peau du patron à la peau d’âme.

Trop lumineuse, cette peau, en tout cas trop pour eux.

Les fonds activistes? En réalité, des fonds arrivistes: un ramassis d’actionnaires qui vont et viennent au gré des rendements, dans une vision cynique de l’excellence, via des pratiques vautours et des façons de faire mortifères. Des façons qui nous condamnent et se contrefoutent de toute notion de pérennité, de respect, d’humain ou de responsabilité… collective, encore moins. Les fonds activistes sont le Frankenstein du capitalisme. Ils sont craints comme la peste par les PDGs du CAC 40 qui, à l’image d’un Emmanuel Faber ou d’une Isabelle Kocher -ex-patronne d’Engie évincée via le même mécanisme sournois en février 2020, ont à se dépatouiller de leurs serres.

Le système est vicié. L’air qu’il génère, et qu’il nous force à respirer, l’est tout autant.

Le carbone qu’il vomit, le profit qu’il tire de la pollution qui nous détruit en même temps qu’elle dézingue la planète, l’humain qu’il pétrifie, tout cela va de pair avec lui.

C’est son ADN.

C’est donc à nous d’agir. De changer.

Cette histoire est la preuve que certaines choses sont immuables et qu’il va falloir les enterrer si l’on veut parvenir à l’indispensable mutation qui seule, peut nous permettre de vivre avec dignité.

Inutile de perdre notre temps à maquiller les multinationales en vert (ou en rouge): elles ne veulent pas que l’on touche à un seul cheveu de leur bon vieux business as usual.

C’est tout le système de pensée qu’il faut changer. Les règles du jeu sont pipées: elles n’incitent pas au vertueux, elles poussent au pire.

Cette leçon est aussi valable au niveau européen où le cadre budgétaire actuel oblige les États membres à mener politiques d’austérité sur politiques d’austérité, sans considération pour les investissements d’avenir qu’il nous faut pourtant d’urgence oser. Comment engager la mutation de nos économies, de nos sociétés, si les règles nous empêchent de faire les dépenses qui s’imposent dans les renouvelables, dans la mobilité de demain, dans notre avenir commun?

Le temps de la pandémie, ce cadre budgétaire européen contraignant a été suspendu: logique et nécessaire, vu les déficits abyssaux qui en découlent. Mais ça ne suffit pas: il faut le réviser, ce cadre, en profondeur, et de toute urgence. Le suspendre pour le réactiver dans un an est absurde. II faut un nouveau cadre de pensée, vertueux. Des règles justes et vertes, qui incitent, voire obligent, à la transition. C’est vital. 

 

Cette histoire est la preuve que certaines choses sont immuables et qu’il va falloir les enterrer pour parvenir à l’indispensable mutation qui nous permettra de vivre avec dignité.

 

Cette histoire est finalement un conte initiatique: elle a une morale, pas glorieuse, certes, mais si nous la digérons, elle pourra nous faire gagner du temps. Elle pourra nous permettre de ne plus nous faire croquer, au détour d’une nuit de fin d’hiver, par un minotaure hors de contrôle. Les seules notions d’”équilibre budgétaire”, de “rentabilité maximale et immédiate”, de “croissance forte”, tuent de fait toute notion de long terme, de qualité, de conditions de vie. De dignité.

Soyons-en bien conscient·e·s: ceux qui se délectent du business as usual lutteront jusqu’au dernier soubresaut pour que rien ne bouge, surtout.

Avides, à mort.

Ils veulent du profit, c’est tout.

Danone était une “entreprise à mission”. C’était un habit noble.

En même temps que le printemps arrive, l’habit est déchiré. Jeté à la poubelle. Torpillé.

Digérons la leçon, et faisons-en le terreau de nos forces.

 

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