Les galeries d'art, refuge des férus de culture pendant la pandémie de Covid-19

LIEUX CULTURELS - Voilà un exemple concret que les professeurs d’économie vont pouvoir utiliser pour expliquer le phénomène d’externalité positive à leurs élèves. Il s’agit d’une situation où un acteur profite d’une conjoncture favorable grâce...

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LIEUX CULTURELS - Voilà un exemple concret que les professeurs d’économie vont pouvoir utiliser pour expliquer le phénomène d’externalité positive à leurs élèves. Il s’agit d’une situation où un acteur profite d’une conjoncture favorable grâce à un tiers. Dans ce cas d’école, les galeries d’art, considérées comme des commerces essentiels, “profitent” de la fermeture des musées à cause de la pandémie de coronavirus. Elles récupèrent ainsi une partie des férus d’arts, frustrés de ne pas pouvoir, déambuler sous la pyramide du Louvre comme Omar Sy dans “Lupin”.

Pour se rendre compte de l’ampleur du phénomène, Le HuffPost s’est rendu dans le quartier du Marais qui concentre un grand nombre de galeries, mais aussi des lieux culturels habituellement très fréquentés comme le musée Picasso ou le musée Carnavalet. 

Le nouveau public compense l’absence de touristes étrangers

Depuis leur réouverture le 28 novembre dernier, comme les commerces jugés “essentiels”, les galeries ont d’abord constaté pour la plupart d’entre elles une baisse de la fréquentation, notamment en raison des restrictions de déplacements, qui empêchent les touristes étrangers de venir à Paris. Une baisse compensée par un nouveau public qui se décide à pousser la porte de ces lieux culturels parfois réputés comme inaccessibles au grand public.

“C’est vrai qu’on a plus de visiteurs qui se promènent dans la galerie et viennent nous voir sans prendre rendez-vous”, constate Michael Timsit, co-fondateur de la galerie Guido Romero Pierini-Michael Timsit. “La fermeture des lieux culturels associée au fait que nous sommes dans le Marais, l’un des rares quartiers où il y a encore une vie culturelle, cela fait venir beaucoup de Parisiens.”

“On a des gens qui demandent au comptoir quel est le prix d’entrée alors que c’est gratuit évidemment”, ironise Emmanuel Perrotin, fondateur de la galerie du même nom. Son établissement, très reconnu à Paris est certes déjà habitué à accueillir le grand public et les jeunes, notamment grâce à sa présence sur Instagram. Mais pendant la pandémie, ce nouveau public permet à la galerie de maintenir une affluence habituelle. “Les samedis on peut accueillir jusqu’à 800 personnes dans la journée et on a même dû organiser une queue dans la cour pour bien gérer les flux.”

La clientèle de demain?

Un constat qui semble partagé par bon nombre de galeries selon Marie Papillon, présidente du comité professionnel des galeries d’art (CPGA), qui compte 303 boutiques adhérentes. “Globalement, les confrères disent qu’il y a un nouveau public qui ne connaissait pas forcément les galeries”, explique celle qui est également propriétaire de la galerie Papillon. “Dans ce contexte, on doit donc être attentif et faire un travail de pédagogie auprès de ce public qui sera peut-être notre clientèle de demain”.

Voire même une clientèle d’aujourd’hui, comme le constate Michael Timsit. S’il reconnaît que le chiffre d’affaires de sa galerie est en baisse, il précise toutefois que les petites ventes de quelques centaines d’euros sont en hausse ces dernières semaines. “En quantité de ventes, on en fait plus que d’habitude, mais avec des montants inférieurs. On a une clientèle qui achète des œuvres plus abordables et ce sont plus des achats coup de cœur; ce ne sont pas des achats réfléchis”.

Un nouvel engouement et quelques réticences

 Si cet afflux d’un nouveau public est accueilli avec beaucoup de réjouissance par les galeries, ce n’est pas le cas de tous. Quelques rares d’entre elles semblent ne pas souhaiter devenir des “musées bis”, comme l’explique un galeriste qui préfère garder l’anonymat. 

“Ces derniers temps, il faut être plus vigilant avec cette population qui n’est pas forcément habituée à venir dans des galeries et risque de casser des œuvres. Parfois cette attention que l’on porte trop sur eux peut nous faire stopper des ventes avec de ‘vrais clients’.”

Une opinion que comprennent plusieurs confrères, dont Emmanuel Perrotin. D’après lui, toutes les galeries ne sont pas adaptées à l’accueil de ce public. D’une part, parce que les produits vendus sont totalement inabordables (plusieurs centaines de milliers d’euros). D’autre part, parce que l’accueil du public de masse a un coût financier, aussi bien pour le nettoyage de la galerie que pour le recrutement de personnel pour répondre aux sollicitations des visiteurs. 

“Vous verriez la quantité de moutons de poussière qu’il peut y avoir dans la galerie un samedi soir!” rapporte celui qui a fondé sa galerie à l’âge de 21 ans. “Je pense que ce serait extraordinaire pour le milieu de l’art de pouvoir  communiquer la voix des artistes à beaucoup plus de monde, mais à court terme, puisque l’entrée est gratuite et que peu de gens sont amenés à acheter des œuvres, ça n’est pas forcément une solution économique pour toutes les galeries.” 

8 galeries sur 10 dans le rouge

Si les galeries ont le droit d’ouvrir pendant la pandémie, cela ne signifie pas pour autant que leur activité se porte bien. Les annulations des foires durant lesquelles de nombreuses ventes sont réalisées, ainsi que les restrictions de déplacements imposées aux touristes étrangers fragilisent le secteur. Selon un rapport du comité professionnel des galeries d’art datant de ce mois de janvier, 78% d’entre elles ont connu une baisse de chiffre d’affaires en 2020: un tiers, de 25 à 50 % et un tiers, de plus de 50%. Le quart des galeries a également réduit ses effectifs alors que la plupart d’entre elles (85%) sont des TPE qui emploient moins de cinq salariés.

La situation est certes moins critique que dans d’autres secteurs culturels toujours à l’arrêt comme les cinémas ou les théâtres, mais elle préoccupe tout de même Marion Papillon. 

“On sait par le passé que les crises économiques peuvent être lourdes en conséquences et c’est pour ça qu’on est attentif”, explique-t-elle, rappelant l’exemple de la crise du début des années 90 qui avait provoqué la fermeture d’un tiers des galeries. “Pour l’instant, on décompte assez peu de fermetures directement liées à la crise du coronavirus. Ce sont des fermetures qui concernent des galeries qui étaient déjà en baisse d’activité ou déjà fragilisées pour d’autres raisons. Le risque, c’est que si les galeries ferment, un certain nombre d’artistes ne soient plus représentés et que la scène artistique française soit affaiblie.”

Le secteur des arts visuels peut compter sur le soutien de l’État au travers des différentes aides transversales (chômage partiel, fonds de solidarité). Le Centre national des arts plastiques (Cnap) participe aussi à cet “effort de guerre” au travers d’une commission d’acquisition exceptionnelle. Une série de commandes d’artistes de la scène françaises seront achetées auprès des galeries ayant vu leur participation à une foire annulée (des achats plafonnés à 25.000€). Une autre façon de stimuler ce secteur. 

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