Pourquoi sommes-nous aussi destabilisés par le nouvel album de Lil Yachty ?

Il se passe quelque chose de très bizarre depuis une semaine. Comme des petits singes déconcertés marchant sur des braises incandescentes au milieu du brouillard, on se cherche les un·es et les autres du regard, en quête d’approbation : doit-on,...

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Il se passe quelque chose de très bizarre depuis une semaine. Comme des petits singes déconcertés marchant sur des braises incandescentes au milieu du brouillard, on se cherche les un·es et les autres du regard, en quête d’approbation : doit-on, oui ou non, trouver le dernier album de Lil Yachty à son goût ? En affirmant que oui, si tel est le cas, prenons-nous le risque de passer pour un con ? Et ne serait-il pas préférable d’attendre qu’une figure d’autorité ne se prononce avant de nous prononcer à notre tour ? Drôle de situation, vous en conviendrez.

D’autant que l’époque, par le pouvoir combiné du marketing et de la mise à disposition immédiate des œuvres, ne nous a pas habitué·es à ça : la tendance aujourd’hui est davantage à l’emballement instantané, à l’éboulement momentané des digues critiques et à l’oubli dans la foulée (avant d’y revenir, éventuellement, pour convenir que les derniers albums de Drake et Beyoncé n’étaient pas si fous).

De quoi avons-nous peur ?

Si le papier de Théo Dubreuil sur Let’s Start Here. (le disque en question) revient sur la réinvention du rappeur en rockeur psychédélique sous haute influence Tame Impala et les motivations plus que discutables qui accompagnent cette mue (Yachty a déclaré lors d’une session d’écoute : “Je veux vraiment être pris au sérieux en tant qu’artiste, pas simplement en tant que rappeur Soundcloud ou que mumble rappeur”, comme si faire du rap et être un artiste n’était pas pleinement compatible), ce qui nous intéresse dans cet édito, c’est davantage la réception de ce disque et le phénomène d’inquiétante étrangeté qu’il suscite chez l’auditeur·trice.

Phénomène d’autant plus manifeste que la pochette montre ce que l’on imagine être une bande de politiciens passés à la moulinette du deepfake, ce procédé de manipulation numérique qui permet, par l’entremise de l’intelligence artificielle, de bouleverser les perceptions que l’on a d’une image familière.

Brouiller les pistes

De la même manière que le rap flirte depuis longtemps avec le psychédélisme (là encore, Théo en rappelle quelques dates clefs) et que le rock psychédélique existait avant la naissance de Kevin Parker, le détournement des images a toujours fait partie du jeu dans ce grand racket organisé qu’est la musique pop. On pense aux Residents et leur album Meet the Residents (1974), qui détournait une pochette célèbre des Beatles, ou encore, plus récemment, à Aphex Twin qui, par un système astucieux de caméras pointées sur le public à ses concerts, altérait les visages des spectateurs de façon, sinon monstrueuse, au moins dérangeante.

À l’image de sa pochette qui brouille les pistes du vrai et du faux, l’album de Lil Yachty, méconnaissable dans sa forme d’exécution comme dans le son qu’il exalte, ne laisse-t-il pas planer le doute sur la réalité matérielle de ce qu’il donne à entendre ? Voilà qui expliquerait l’embarras dans lequel nous nous trouvons depuis quelques jours et l’étrange sentiment de paranoïa qui nous étreint face à cet objet. La révolution des IA étant en marche, le doute est désormais plus que permis. Que ça ne nous empêche pas de lâcher la rampe deux minutes et de se noyer dans l’éther kaléidoscopique de ce disque qui a le mérite de désarçonner.

Édito initialement paru dans la newsletter musique du 3 février. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !