[Quand le Velvet parlait aux Inrocks]  “Après le changement de line-up, le groupe était toujours aussi bruyant” 

Retrouvez les volets précédents de cette entrevue : [Quand le Velvet parlait aux Inrocks 1/7] “En 1965, nous ne voulions plus être un petit orchestre de bal” [Quand le Velvet parlait aux Inrocks 2/7] “Andy Warhol nous a donné l’opportunité...

[Quand le Velvet parlait aux Inrocks]  “Après le changement de line-up, le groupe était toujours aussi bruyant” 

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Retrouvez les volets précédents de cette entrevue :

[Quand le Velvet parlait aux Inrocks 1/7] “En 1965, nous ne voulions plus être un petit orchestre de bal”

[Quand le Velvet parlait aux Inrocks 2/7] “Andy Warhol nous a donné l’opportunité d’être le Velvet Underground”

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Aviez-vous l’impression que c’était un autre groupe qui enregistrait le troisième album ?

Sterling Morrison : C’était un autre groupe, mais nous étions toujours capables de quelque chose qui en valait la peine. Sinon, j’aurais quitté le groupe moi aussi. L’élément de folie de John me manquait. Je n’étais pas en faveur de son départ, j’y étais même très opposé ! Mais il n’y avait pas d’autre choix : soit on s’arrêtait là, soit on essayait de voir ce que ça donnait sans lui. Très vite, John nous a manqué, lui et non son mur d’amplis…

Moi qui disais toujours que nous devrions ajouter quelqu’un, voilà que nous y étions obligés. Et nous connaissions Doug Yule, nous pensions qu’il ferait l’affaire comme bassiste. La grande différence entre White Light/White Heat et le troisième album est cette impression de passer d’un boucan électrique à quelque chose de très calme. En fait, c’était un accident.

Je pense qu’après le changement de line-up le groupe était toujours aussi bruyant. Mais nous nous sommes fait voler notre matériel juste avant d’entrer en studio, à l’aéroport. Nous étions allés sur la côte Ouest pour enregistrer. Nous n’avions plus de pédale fuzz, plus de pédale d’effets. Nous nous sommes donc retrouvés avec juste des guitares et des amplis. Nous avons fait avec.

C’est votre disque le plus sobre, le plus simple, un peu laid-back.

Moe Tucker : L’atmosphère des chansons est très différente de celle des deux 1ers albums. Nous pouvions prendre notre temps, faire des overdubs, recommencer un petit solo par-ci, par-là. Ce qui n’est pas forcément un bien car je préfère un côté minimal, sinon tout devient trop propre et trop gentil.

Doug, avez-vous eu de l’influence sur le son du troisième album, enregistré deux mois à peine après que vous avez rejoint le groupe ?

Doug Yule : Je crois que ma grande influence sur le troisième album a été ma voix. Elle était plus mélodique, plus harmonieuse, je chantais d’une manière très voilée. Lou s’est rendu compte que nous pouvions faire ensemble des harmonies vocales qui faisaient mieux sonner sa voix. Sur le troisième album, les mélodies sont plus apparentes.

Un morceau comme Jesus n’aurait sans doute pas figuré sur l’album si John avait été là, car il n’en aurait pas voulu. Jesus fonctionne pour deux raisons : son harmonie vocale et sa ligne de basse, deux facteurs qui viennent de moi. En ce qui concerne les lignes de basse, j’ai toujours joué ce que je voulais. Mon style n’est pas traditionnel mais plutôt symphonique : la guitare fait son truc et la basse bouge autour, avec des harmonies vocales très douces.

A peine arrivé, vous chantez déjà 1ère chanson de l’album, Candy Says.

Doug Yule : Lou voulait quelque chose de mélodieux. Sa voix est rauque, il doit la pousser. Lorsqu’il chante doucement, elle déraille et craque, elle est dure à contrôler. Me faire chanter était une manière pour lui d’obtenir quelque chose de plus doux, mais aussi de se soulager de la pression qu’il ressentait sous les projecteurs. Si vous chantez toutes les chansons, vous n’avez jamais un moment pour souffler. Sur le 1er album, il laissait chanter Nico lorsqu’il voulait un son doux, comme pour I’ll Be Your Mirror.

Dans quel genre d’endroits jouiez-vous ?

Doug Yule : Ça allait des salles de 250 places comme La Cave à Cleveland, au Boston Tea Party, qui avait une capacité de 1 500 personnes, en passant par l’Avalon à San Francisco, le Whisky a Go-Go à Los Angeles, des petits clubs. Mais les spectateurs suivaient le groupe et connaissaient les morceaux. Il y en avait toujours pour réclamer tel ou tel morceau. L’une des blagues favorites de Lou consistait à regarder quelqu’un qui demandait un morceau et à lui dire : “Non, on ne le jouera pas.”

John vous manquait-il ?

Moe Tucker : Oui, j’aurais aimé voir ce que lui aurait joué sur ces chansons-là. Le disque aurait été très différent, c’est certain.

Quelques mois plus tard, en 1969, vous avez enregistré ce qui est considéré comme votre quatrième album perdu.

Moe Tucker : Oui, au Record Plant Studio, à New York, nous avons enregistré un album avec l’intention de ne pas le sortir. On enregistrait juste pour en finir avec MGM. L’ambiance était très bonne, tout le monde était très en forme et très content de ce qui en sortait. Nous étions en train d’essayer de nous dégager du contrat, et cet enregistrement était dans le contrat. En fait, nous n’avons jamais fini la moitié des chansons. Je ne sais pas si notre manager les a convaincus de ne plus vouloir de nous…

Pourquoi n’avez-vous pas réenregistré ces chansons pour Loaded, un an plus tard ?

Moe Tucker : La maison de disques en possédait les droits, il nous était interdit de les réenregistrer avant un certain temps.

“Après le remaniement ce n’était plus quatre types de Levittown en guerre contre le reste du monde, c’était un groupe dans le circuit.” Sterling Morrison 

VU, sorti en 1985, est-il cet album ?

Moe Tucker : Oui, même si une ou deux choses que nous avions faites avec John ont été ajoutées, la plupart des chansons datent de cette période. J’étais très contente de cette sortie, je trouve qu’ils ont fait un bon travail de mixage. Après l’avoir mixé, ils nous ont envoyé une copie à chacun afin que nous fassions nos commentaires. Par contre, je n’ai pas du tout aimé le suivant, Another View.

J’aime les chansons, j’étais très heureuse d’avoir Hey Mr. Rain en particulier. Mais ils l’ont rendu trop propre, je ne sais pas ce qu’ils lui ont fait, ils l’ont trop nettoyé. Sur celui-là, ils ne nous ont pas demandé notre avis, nous n’avons rien eu à dire, nous l’avons vu pour la 1ère fois dans les magasins. Je crois que Lou s’en est occupé un peu, mais je n’en suis pas sûre.

Sterling Morrison : Dans notre esprit, ces morceaux devaient être publiés par MGM tout de suite. Ces enregistrements sont très bons, avec un son très tranchant mais toujours cet élément d’étrangeté : Coney Island Steeplechase, Foggy Notion… Il n’y avait pas de baisse d’enthousiasme, les choses étaient simplement un peu plus contrôlées.

Quand avez-vous commencé à perdre votre intérêt pour le groupe ?

Sterling Morrison : En 1968, après le remaniement. Ce n’était plus quatre types de Levittown en guerre contre le reste du monde, c’était un groupe dans le circuit. Mes relations avec Lou sont devenues moins chaleureuses, car je pensais toujours à John… Je n’ai pas aimé la manière dont ça s’était passé. Lou avait peut-être changé, il pensait peut-être qu’il n’était pas allé aussi loin qu’il en était capable en tant que songwriter, qu’il allait maintenant en tirer le maximum. Mais il n’avait pas besoin d’essayer de faire du mainstream.

En passant chez Atlantic, nous nous sommes dit : “Essayons de faire quelque chose avec une véritable production”, ce qui ne nous était jamais arrivé, à l’exception du 1er album avec Tom Wilson. Et Loaded n’est pas un mauvais album. Mais Moe n’était pas là, ce qui fait peut-être sonner le disque de manière plus conventionnelle. Je pensais qu’il aurait été possible de l’attendre, mais le problème était que nous venions de signer avec une nouvelle maison de disques, qui voulait immédiatement un album. J’allais alors à l’université d’été, car lorsque j’ai su que nous allions rester tout l’été à New York, j’y ai vu une chance d’obtenir mon diplôme.

Pendant tout cet été 1970, je passais donc mes journées à lire et à écrire des dissertations. Et le soir, je prenais mon vélo pour me rendre au Max’s, où je laissais ma guitare après chaque concert. Peut-être que Lou trouvait ça inquiétant, car c’était comme si j’étais retourné à l’école. Je ne lui parlais pas beaucoup… Je ne sais pas ce que je lui reprochais. J’étais assez distant, j’arrivais au club juste pour jouer aussi bien que possible, et je bouquinais entre deux sets. J’étais clean, pas de drogue, sain.

“Les problèmes venaient de notre manager.” Sterling Morrison

Moe Tucker : Moi, je ne jouais pas car j’étais enceinte. C’était le frère de Doug Yule, Bill, qui jouait de la batterie. Je n’aimais pas ça, car il ne jouait pas comme moi. C’est un bon batteur, mais je n’aime pas jouer comme ça. Il n’y a qu’au Max’s qu’ils ont joué ainsi, pendant tout l’été. Il fallait le faire pour gagner de quoi payer le loyer. J’ai eu mon 1er enfant pendant ces concerts, en juin.

J’ai réintégré le groupe à l’automne. Ils ne jouaient au Max’s que pour l’argent et je savais que ma place était gardée, je ne m’inquiétais pas d’être remplacée. Et j’avais d’autres choses en tête… Je crois que Loaded fut enregistré en avril-mai, peut-être en été. Pour l’enregistrement déjà, je ne pouvais pas jouer. Ils ne pouvaient pas attendre, tout était réservé. Je n’en ai pas fait un problème. J’attendais juste le prochain.

Aviez-vous alors toujours foi dans le groupe ?

Sterling Morrison : Je n’aimais pas jouer au Max’s sans Moe, je n’aimais pas enregistrer l’album sans elle. Mais je m’imaginais que ça aussi passerait… Nous envisagions d’aller en Europe en septembre, dès le retour de Moe. Je sentais quand même que la situation était assez précaire sur le plan personnel. Lou et moi aurions dû nous serrer les coudes , mais je ne lui ai été d’aucune aide, j’étais trop occupé par l’école. Les problèmes venaient de notre manager.