Vaccins anti-Covid-19 gaspillés: comment éviter les pertes?

VACCINS -  À l’heure où la France est confrontée au spectre de la pénurie, chaque goutte de vaccin anti-Covid compte. Avec le déploiement la semaine dernière de833 centres de vaccination ouverts et accessibles à la réservation et l’ouverture...

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Matignon a évoqué des pertes de 25 à 30% de vaccins anti-Covid-19 Pfizer/BioNtech

VACCINS -  À l’heure où la France est confrontée au spectre de la pénurie, chaque goutte de vaccin anti-Covid compte. Avec le déploiement la semaine dernière de833 centres de vaccination ouverts et accessibles à la réservation et l’ouverture de lavaccination aux plus de 75 ans hors Ehpad, aux soignants de plus de 50 ans et aux personnes ayant des pathologies à haut risque, le gouvernement compteamélioreretfluidifier la campagne. L’objectif est d’immuniser 2,4 millions de Français avec du Pfizer et du Moderna d’ici fin février. 

Pourtant, dans cette course contre la montre, le gouvernement a anticipé un risque de perte de “25 à 30%” de doses, comme l’a annoncé un conseiller du Premier ministre Jean Castex cité par Le Figaro. Autrement dit, la France pourrait gaspiller 50 à 60 millions de doses sur les 200 millions commandées par Pfizer. Une fourchette qui ne correspondtoutefois qu’à une estimation, une “marge de sécurité” d’après Franceinfo. Plusieurs médecins interrogés par Franceinfo la jugent d’ailleurs “excessive” et “surévaluée”, au vu de la pénurie qui se profile.

En pratique, mesurer le nombre de doses perdues avec précision s’avère difficile. Mais alors que les résidents des Ehpad, soignants de plus de 50 ans, personnes de plus de 75 ans et patients à risque représentent un total de 6 millions de personnes, soit un besoin de 12 millions de doses, il est difficile d’imaginer gaspiller la moindre goutte de vaccin. D’où viennent ces pertes et comment les éviter?

Une 6e dose dans chaque fiole 

Première explication potentielle aux pertes:le multidosage des fioles du vaccin Pfizer, c’est-à-dire que chaque fiole contient un certain nombre de doses de vaccin. “Comme il fallait faire des millions de doses de vaccins, le laboratoire Pfizer s’est retrouvé face au problème du manque de bouteilles. D’où l’idée de faire plusieurs doses dans chaque fiole” a expliqué au HuffPost Morgane Bomsel, chercheuse CNRS à l’Institut Cochin. 

Mais alors qu’au départ, l’Union européenne a estimé qu’il ne fallait pas dépasser 5 doses par fioles, les États-Unis ont, eux, fixé la norme à 6. Le 8 janvier, l’Union européenne du médicament a mis à jour ses recommandations: “chaque fiole contient 6 doses de vaccin”. Les flacons de 5 doses livrés par Pfizer contiendraient bien de quoi en faire une 6e. Comme l’a expliquéLe Figaro,chaque fiole contient 2,25 ml de produit fini. Or la dose à injecter est de 0,3 ml par personne, ce qui fait un résidu de 0,75 ml par flacon. Un surplus qui n’a rien d’anormal selon Morgane Bomsel. Il s’agit d’une part d’une marge de sécurité prise par le laboratoire. Mais également “d’une dose résiduelle qu’on ne peut pas prélever des seringues, sur lesquelles une partie du produit se dépose”, poursuit la spécialiste. Mais la 6e dose représente tout de même une hausse de 20% de nos capacités vaccinales. 

Pour éviter de perdre du liquide, il faut donc changer de matériel. L’agence européenne du médicament a d’ailleurs indiqué que pour prélever une 6e dose, des seringues et aiguilles spécifiques étaient nécessaires. “Le problème vient de la logistique, pas de la fabrication, fustige Morgane Bomsel. Les professionnels n’ont tout simplement pas le bon matériel pour extraire 6 doses”. Et de s’étonner: “Je trouve cela étrange qu’alors que la manière dont Pfizer allait livrer ses vaccins était connue, il y ait de tels cafouillages au dernier moment”. Par ailleurs, pour former les professionnels au geste spécifique nécessaire pour prélever l’ensemble des doses, des vidéos de formation sont proposées par le laboratoire Pfizer. 

Rupture de la chaîne du froid 

Mais cette 6e dose n’explique pas, à elle seule, les “25 à 30%” de gaspillage anticipés par Matignon. Le multidosage des vaccins Pfizer s’accompagne de contraintes logistiques pouvant entraîner des pertes. Le vaccin Pfizer doit être conservé entre -70 et -80 degrés et toute rupture du froid le rend inutilisable. Or, “une fois envoyés dans les centres de vaccination, ils sont placés dans des frigos à une température comprise entre -2 et -8 degrés, et ne peuvent être conservés que 4 ou 5 jours”, rappelle auprès du HuffPost Luc Dusquenel, médecin généraliste et président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). Ensuite, lorsqu’ils sont préparés, ils doivent être utilisés dans les 6 heures, poursuit-il.

Lorsque les centres de vaccination se retrouvent avec des flacons ouverts mais personne à qui les administrer, les doses restantes sont gaspillées. C’est pourquoi plusieurs centres hospitaliers ont eu recours au système D, comme l’AP-HP, qui propose d’injecter les doses restantes aux soignants pas encore prioritaires mais qui le souhaitent. SelonLe Parisien, une plateforme où ils s’inscrivent leur permet de se tenir informés des stocks de doses restants en fin de journée. 

Des plateformes d’inscription déclaratives

Outre les doses restantes, le système d’inscription en ligne via des plateformes en ligne ne permet pas de bloquer l’accès à la vaccination aux personnes non éligibles. “Si par gaspillage, on entend des doses perdues pour le public prioritaire, alors beaucoup de doses sont gâchées” tempête le médecin Luc Dusquenel. Depuis la semaine dernière, la vaccination est ouverte aux Français de moins de 75 ans présentant des pathologies à risque comme une insuffisance rénale ou des cancers.

En pratique, comment s’assurer, au moment de l’inscription, qu’une personne de moins de 75 ans présente bien une pathologie à risque? “Il n’y a pas de moyen de le contrôler sur les plateformes d’inscription en ligne, explique-t-il, car cela poserait le problème du secret médical. Tout est déclaratif.” Résultat: les doses étant déjà préparées, les médecins peuvent difficilement refuser l’accès au vaccin à ces personnes non éligibles. Or,  pour que l’immunisation soit efficace, il est nécessaire d’administrer une seconde dose au patient, 28 jours après la première injection (hors Ehpad, où le délai est de 21 jours). “Ce sont autant de doses de gâchées pour le public fragile”, poursuit Luc Dusquenel. 

Des dires confirmés en partie par la Direction générale de la santé (DGS). “Quand la personne prend rendez-vous, il y a un engagement sur l’honneur mais la preuve qu’elle correspond bien au public éligible est demandée sur place seulement”, a-t-elle pointé auprès du HuffPost. Et d’ajouter: “Si elles n’ont pas cette preuve, elles sont renvoyées. Nous comptons beaucoup sur le civisme des Français pour ne pas saturer les plateformes”. 

Pour éviter les couacs, Luc Dusquenel préconise une meilleure organisation de la campagne de vaccination, avec des doses qui seraient “préparées au fur et à mesure”,  en fonction des patients qui se présentent. “Il faudrait des centres de vaccination équipés de pièces où stocker les vaccins à -80 degrés. Ou au moins centraliser suffisamment les centres de vaccination pour qu’ils se situent à proximité de lieux où les stocker à très basse température”, relève-t-il. Le temps de préparation du vaccin n’est d’ailleurs que de 5 à 6 minutes, selon le médecin.

Un avis partagé par Morgane Bomsel qui dénonce “une impréparation de l’État”. “Pourquoi n’y a-t-il pas d’intermédiaires entre l’usine et les centres de vaccination? Je suis très étonnée qu’il n’y ait pas davantage de congélateurs à -80 degrés”, s’interroge-t-elle. Et de nuancer toutefois: “Au fur et à mesure que la campagne s’accélérera, ces problèmes logistiques disparaîtront. Il y aura de moins en moins de doses gaspillées.”

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